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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/847

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une députation du clergé leur vint lire à haute voix une nouvelle remontrance où étaient énumérés tous les efforts que la reine avait tentés pour s’affranchir, tous les complices qu’elle s’était initiés, tous les échecs qu’elle avait subis. La reine put se convaincre qu’il y avait eu autour d’elle plus d’un traître, et qu’en dehors des perfides il ne restait plus que des victimes. La sœur du grand Frédéric écouta cette lecture avec un dédaigneux silence, quelquefois entrecoupé de larmes ; puis elle dut signer une déclaration en vertu de laquelle elle désavouait ce qui s’était passé et se déclarait entièrement satisfaite. Elle subit un autre dégoût, l’année suivante, en voyant le parti des chapeaux, qui abusait étrangement de son triomphe, conclure, le 22 septembre 1757, une alliance avec la France et l’Autriche contre Frédéric II. La Suède se voyait engagée par là dans la guerre de sept ans, comme quinze ans plus tôt dans la guerre contre la Russie. Elle allait y recueillir de nouvelles hontes, dont le premier résultat devait être de renverser à l’intérieur le parti dominant pour y substituer le parti contraire.

De tels désordres entraînaient inévitablement la misère profonde et la démoralisation du pays. Toute l’administration, particulièrement celle des finances, était restée confiée au comité secret des états ; encore beaucoup d’affaires délicates échappaient-elles à ce comité pour ne dépendre que d’une commission dite secrétissime, choisie dans ses rangs. On imagine combien d’abus avaient grandi à la faveur de cette obscurité. La banque avait fabriqué du papier-monnaie au gré des partis, elle prêtait aisément ; ceux qui possédaient encore de grandes propriétés les engageaient ; le luxe, la cherté des denrées, les vicissitudes de la confiance publique et les spéculations éhontées, la corruption et la misère avaient épuisé les forces de la Suède. Les diètes n’étaient plus que des marchés publics où chaque vote devenait l’occasion d’un trafic entre les représentans du pays et les ministres des cours étrangères. Russie, Angleterre, Prusse et France se disputaient à prix d’argent l’autorité ; la France n’avait maintenu sa prééminence pendant toute la domination des chapeaux qu’au prix de sommes inouïes. Après avoir encore dépensé pour la diète qui se termina au mois de juin 4,766 1,830,000 francs, elle désespérait de pouvoir continuer cette lutte ruineuse, comme le prouve la correspondance du baron de Breteuil, notre ambassadeur à Stockholm :


« Mes deux principaux adversaires, les ministres anglais et prussien, écrit-il au commencement de janvier 1766, répandent un argent prodigieux que mes fonds ne peuvent balancer. Je m’occupe cependant des moyens d’en arrêter les effets. Je suis en pleine négociation avec les principaux prêtres et bourgeois du comité secret. Je cherche à ne former que des engagemens