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vent de nos jours encore à Tahiti et dans le reste de la Polynésie. Nous recueillerons ainsi comme en passant des données sur l’origine commune des Maoris et des autres populations polynésiennes.

Autrefois nos ancêtres se séparèrent. Les uns furent laissés à Hawaïki ; les autres vinrent ici dans des canots. » Telle est la déclaration formelle qui ouvre la légende consacrée au récit de la guerre que se firent à Hawaïki, d’un côté Uénuku et Toï-té-Huataï, de l’autre les deux fils de Houmaï-ta-Whiti, Tama-té-Kapua et Whakaturia. — Il serait superflu d’insister sur ce qu’elle a de décisif. N’eussions-nous aucune autre preuve, celle-ci suffirait pour mettre. hors de doute, pour tout esprit non prévenu, l’origine étrangère des Néo-Zélandais. La plus haute prétention des peuples, et surtout des peuples sauvages, est d’être enfans du sol. L’orgueil de la conquête ne vient qu’après et en seconde ligne. On peut croire sur parole celui qui avoue être étranger à la terre qu’il occupe, surtout quand il reconnaît en même temps que cette occupation s’est faite sans combats, et tel est le cas, pour tous ou presque tous les premiers colons venus d’Hawaïki à la Nouvelle-Zélande.

La légende dont nous parlons est encore importance à un autre point de vue. Elle nous apprend que les événemens rapportés dans plusieurs autres chants qui la précèdent se sont passés à Hawaïki aussi bien que ceux dont elle retrace l’histoire. Par là elle nous montre la tradition remontant de plusieurs générations au-delà de l’époque de la colonisation, et nous permet d’apprécier ce qu’était l’état général de la société dans la mère-patrie des Néo-Zélandais. Or il est évident que cet état de choses était à peu près identique à ce qu’on a trouvé sur la terre des Maoris. En particulier nous voyons des guerres sanglantes et presque continuelles régner entre les tribus. Ces guerres, les combats qu’elles entraînent, les exploits de quelques héros font à peu près exclusivement le sujet des chants néo-zélandais. À ce titre, ils ont pour nous un intérêt médiocre. Remarquons seulement que dès cette époque chaque victoire était célébrée par un repas où les vainqueurs dévoraient les vaincus ; mais, quelque développée que fût l’anthropophagie, elle n’en avait pas moins, paraît-il, ses limites, et pour ainsi dire ses règles. On ne pouvait sans crime manger indifféremment tout le monde. Tama-té-Kapua et ses guerriers étaient proches parens de Toï-té-Huataï et des siens comme descendant d’un ancêtre commun ; néanmoins, après un combat où ces derniers avaient été défaits, ils mangèrent ceux qui avaient succombé. Ce forfait fut puni par la perte de leurs vertus guerrières ; de hardis et courageux qu’ils étaient auparavant, ils devinrent lâches et craintifs ; le père et le frère de Tama’[1] fu-

  1. Les noms, habituellement fort longs, des guerriers maoris sont souvent réduits