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pris que Makétu était momentanément désert[1], et que l’Arawa n’était gardé par personne, mit le feu à ce navire, dont il ne resta que des cendres. À leur retour, les enfans d’Houmaï prirent les armes pour punir cette insulte gratuite. Toutefois ils n’en vinrent à cette extrémité qu’avec tristesse et après une longue délibération. Ils se rappelaient les dernières paroles prononcées par leur père[2] lorsqu’il les envoya chercher une autre patrie sur la terre découverte par Ngahué. « Allez en paix, avait-il dit, et quand vous serez arrivés où vous allez, fuyez la guerre, livrez-vous à des occupations paisibles et utiles… Partez et demeurez en paix, laissez derrière vous les querelles et la guerre… Ce sont la guerre et ses maux qui vous chassent d’ici[3]. » Le souvenir de ces sages conseils, la dure expérience du passé arrêtèrent quelque temps l’équipage de l’Arawa ; mais enfin, convaincus qu’ils ne pouvaient sans déshonneur pardonner aux hommes du Taïnui, ils marchèrent contre eux et vengèrent dans leur sang l’incendie du premier navire construit pour coloniser la Nouvelle-Zélande[4].

Si l’on s’en rapporte aux légendes précédentes, c’est en définitive à Ngahué qu’appartiendrait l’honneur d’avoir découvert les terres qui nous occupent. D’après un autre chant recueilli par sir George Grey, cette gloire reviendrait à un chef nommé Kupé. Cette contradiction ne permet pas d’ailleurs de révoquer en doute le fait général lui-même, c’est-à-dire la découverte par les Hawaïkiens de ces terres, jusque-là inconnues pour eux. On sait que la même incertitude règne chez nous au sujet des navigateurs qui ont les premiers abordé à bien des îles. Au reste Kupé, qui avait été forcé de quitter Hawaïki pour avoir enlevé la femme de son cousin Haturapa après l’avoir assassiné, ne fonda pas de colonie. Il revint dans sa patrie, où il semble avoir vécu en paix sous la protection de l’ariki ou chef grand-prêtre Uénuku ; mais il y trouva un autre chef nommé Turi, qui se disposait à partir. Turi avait tué et mangé le fils d’Uénuku, vengeant ainsi le jeune enfant d’un de ses amis, tué et mangé par le grand-prêtre pour avoir trébuché et être tombé sur le seuil de sa maison[5]. Sur les indications de Kupé, Turi gagna la Nou-

  1. Makétu était le pays où s’était arrêté l’Arawa. Au moment, dont nous parlons, les hommes de l’équipage étaient occupés à faire des reconnaissances dans l’intérieur, et le texte indique les lieux qu’ils avaient déjà découverts.
  2. Cette expression est ici synonyme de celle de chef, car les deux fils d’Houmaï étaient morts.
  3. Ces derniers mots du sage d’Hawaîki doivent être remarqués, car ils précisent la cause des migrations.
  4. Cette guerre eut lieu avant l’expédition de Ngatoro’ a Hawaïki, et voilà pourquoi ce chef fut forcé de construire un nouveau canot.
  5. Cet accident était regardé comme un présage des plus funestes. Je ne mentionne