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amenaient avec eux. C’est encore là un fait bien important à noter. On n’a trouvé à la Nouvelle-Zélande d’autres mammifères que le rat et le chien, et nous venons de voir l’homme les y transporter tous deux avec lui. Il n’est guère possible de douter d’un fait de cette nature, si formellement affirmé et d’ailleurs si facile à expliquer et à comprendre. Or ce fait n’explique pas seulement la présence des deux espèces animales dont il s’agit dans la Nouvelle-Zélande et dans d’autres îles de la Polynésie, il explique en outre le cosmopolitisme de certaines espèces, en particulier celui du chien, que nous voyons accompagner partout notre propre espèce, comme il a suivi les Maoris primitifs.

Les légendes que je viens d’analyser nous offrent la solution la plus complète des questions relatives à l’origine étrangère des Maoris, à leur venue par voie de migrations volontaires dans les îles où nos navigateurs les ont trouvés, à l’introduction à la Nouvelle-Zélande de plantes et d’animaux que les colons apportent avec eux. L’histoire de Manaïa, ancêtre reconnu des tribus Ngali-Awa, soulève un autre problème de la plus haute importance, et qu’on ne peut malheureusement résoudre d’une manière aussi satisfaisante. — Nous avons vu que Kupé n’avait trouvé sur la terre découverte par lui d’autres habitans que deux espèces d’oiseaux. D’autre part, tous les autres émigrans semblent avoir abordé comme lui sur des terres désertes. L’histoire de leur colonisation ne mentionne aucune population antérieure, et, s’ils rencontrent des hommes, ce sont évidemment des compatriotes qui les ont précédés. Manaïa lui-même fait une rencontre de ce genre. Sur le point de s’établir près du lieu où il a pris terre, il est forcé de s’éloigner après avoir reconnu que ce canton est déjà occupé par des compatriotes[1] ; mais arrivé à Rohutu, à l’embouchure de la rivière Waïtara, « il trouva un peuple qui vivait là ; c’étaient les habitans originaires de ces îles. Manaïa et ses hommes les tuèrent et les détruisirent… Manaïa et ses compagnons détruisirent les indigènes qui occupaient la contrée afin de s’emparer de celle-ci. » Qu’étaient ces indigènes ? La tradition maorie est malheureusement muette sur ce point, et il est bien difficile de suppléer à son silence[2].

Toutefois de l’ensemble des documens que je viens de rappeler on peut tirer quelques conclusions positives et quelques conjectures

  1. Ici, comme dans la légende de l’Arawa et du Taïnui, c’est l’inspection des lieux sacrés qui décide du droit de propriété.
  2. D’autres traditions dépeignent ces premiers occupans comme très inférieurs en force physique et en courage aux émigrans d’Hawaïki. L’existence de ces insulaires a été récemment confirmée par la découverte d’ustensiles enfouis dans l’île septentrionale, et qui différeraient entièrement de ceux des Maoris.