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Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/94

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banques d’Amérique et d’Angleterre ont été soumises, depuis une trentaine d’années, à des restrictions si rigoureuses, et qu’elles ne sentent pas le besoin de s’en affranchir.

Il est vrai que dans la Réorganisation du système des banques, à côté de l’extension à donner au papier-monnaie » qui est la thèse principale et qui a surtout pour but de favoriser les prétentions de la Banque de Savoie, il y a une idée subsidiaire, qui consiste « à porter l’emprunt nouveau que l’on projette à 450 millions au lieu de 300, afin de pouvoir comprendre dans cette émission nouvelle les rentes que possède la Banque de France, et lui rendre ainsi la disponibilité intégrale de son capital. » Il va sans dire que, si on n’attend pas de ce second moyen les mêmes résultats fabuleux que donnerait l’extension du privilège de la Banque de Savoie, on en attend encore merveille. « Tout le monde comprendrait, dit-on, que lorsque la Banque de France aurait en caisse plus de 150 millions à elle appartenant, la Banque n’aurait plus à craindre que le public lui retirât ses fonds ; dès lors la réduction de l’escompte à son taux le plus bas serait assurée. » On se complaît ensuite à examiner les avantages qui en résulteraient pour la prospérité générale. « Ce sont les fonds publics relevés, l’emprunt (le prochain) souscrit à un taux plus avantageux pour le trésor, enfin une ère de justice, de régularité, de sage prévoyance succédant aux perturbations incessantes que subit le marché. » Voilà l’idéal qu’on nous met sous les yeux, si la Banque de France veut rendre son capital disponible. Examinons la proposition.

On n’imagine pas, je suppose, que les 150 millions qu’on veut donner à la Banque de France pour remplacer les rentes 3 pour 100 qu’elle a en réserve vont tomber du ciel gratuitement, et qu’il n’en résultera aucune gêne pour personne. Ces 150 millions, on les prendra quelque part sur le marché des capitaux apparemment ; or nous admettrons volontiers que les 300 millions que l’on se propose d’emprunter pour consolider ce qu’il y a d’excessif dans la dette flottante ne changeront rien à la situation du marché, puisqu’ils auront pour effet de rendre à la circulation pareille somme employée aujourd’hui en bons du trésor. Il n’en serait pas tout à fait de même des 150 millions de plus à emprunter pour la Banque de France, la somme de rentes représentant ces 150 millions est aujourd’hui en dehors de la concurrence des autres valeurs ; elle est placée, elle ne pèse plus sur le marché comme un titre qui n’a pas son classement. Si on la rend disponible par un mode d’aliénation quelconque, par vente ou par emprunt, immédiatement elle vient faire concurrence à toutes les valeurs qui s’adressent au capital disponible, elle augmente l’offre de ces valeurs, et tend ainsi à en déprécier les cours. Viendra-t-on