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les engagemens de 1851. Les états secondaires viendront soutenir l’union du Slesvig et du Holstein et les prétentions du prince d’Augustenbourg. L’Autriche, qui par l’organe du prince Félix Schwarzenberg avait rédigé les engagemens de 1851, aura bien de la peine à présenter une interprétation claire et raisonnable de cet arrangement ambigu. La France, en demandant que les populations des duchés soient consultées, ne simplifiera point ces difficultés enchevêtrées. Que fera la Prusse ? On peut faire halte devant cette question avec un mouvement de curiosité. Quelque jugement que l’on porte sur le caractère et la politique du premier ministre du roi de Prusse, il y aurait mauvaise grâce à ne point convenir que M. de Bismark est, dans cette crise dano-allemande, le grand homme de la situation. Il ne connaît point les captieuses défiances et les méticuleux scrupules qui arrêtent tour à tour lord Russell ou M. Drouyn de Lhuys. Il n’a point l’esprit embrouillé de la théorie des questions européennes auxquelles chacun ne doit prendre part qu’avec le concours des autres, et sa conscience porte légèrement le poids de la responsabilité des refus. Lui seul a eu de l’initiative ; il a créé les événemens. Il a fait marcher l’Autriche, d’après la méthode dont nous indiquions l’efficacité, il y a un an, à propos de la question polonaise, en plaçant cette puissance entre deux peurs, en la forçant d’opter pour la moindre et en l’entraînant dans sa propre action. S’il est de l’école d’Alberoni ou s’il possède une étincelle du diabolique génie de Frédéric II, c’est ce que l’avenir nous apprendra. En attendant, M. de Bismark, qui a gardé à la Prusse l’alliance reconnaissante de la Russie et qui lui a gagné l’alliance contrainte de l’Autriche, M. de Bismark, qui a quelquefois l’audace de dire ce qu’il pense et quelquefois l’audace d’afficher des dissimulations plus hardies que des aveux, M. de Bismark, qui ne craint pas de faire des événemens, est un personnage considérable dont il serait puéril et ridicule de contester l’importance. Le ministre prussien voit trop clair dans le jeu des états secondaires, il tient trop à ménager à la Prusse les occasions d’agrandissement dans l’avenir, s’il ne peut les mettre à profit dans le présent, pour que les prétentions du duc d’Augustenbourg ne rencontrent point en lui un adversaire déclaré ou latent. Donnant le bras à la Russie, allant au-devant de l’Angleterre, trop heureuse si elle a quelque chance d’obtenir une satisfaction littérale pour le principe de l’intégrité de la monarchie danoise, ramassant l’Autriche au moment où sera proposé un système intolérable à la cour de Vienne, celui des populations émettant leurs vœux sur une question de nationalité par le suffrage universel, M. de Bismark a chance de rallier à certain moment décisif de la délibération la majorité des voix dans la conférence. Cette perspective nous effarouche un peu, car c’est la France qui propose de consulter les populations, proposition entièrement favorable au duc d’Augustenbourg, au moins dans ses prétentions sur le Holstein. Notre véritable adversaire au sein de la conférence sera donc M. de Bismark, et si la proposition de