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poursuit, on en comprend mieux l’importance. M. Duvergier de Hauranne fait, à proprement parler, aux générations nouvelles un cours de politique expérimentale. Où pouvons-nous mieux apprendre les causes des échecs que la liberté a subis en France dans le passé, et les raisons profondes qui rendent son succès inévitable dans l’avenir, que dans le récit des tâtonnemens, des aspirations, des erreurs, des luttes à travers lesquelles notre pays a si longtemps et si ardemment poursuivi l’établissement du régime représentatif ? Le sixième volume termine une curieuse phase politique de la restauration, celle qui commence à l’ordonnance du 5 septembre, à la dissolution de la chambre introuvable, et qui se termine par l’avènement de M. de Villèle au ministère. Un grand effort fut fait durant cette phase par une élite d’hommes sensés et modérés pour placer le gouvernement au-dessus des deux partis, le parti royaliste et le parti révolutionnaire, qui ne pouvaient triompher l’un ou l’autre que par le renversement de la charte ou le renversement du trône. Dans ce volume, nous voyons le parti modéré, le centre, succomber enfin sous les fougueuses et aveugles agressions de la droite. À l’intérêt des luttes parlementaires, expliquées et résumées avec un grand art par M. Duvergier de Hauranne, s’ajoute le récit des combinaisons particulières qui furent souvent le secret ressort des événemens publics. C’est cette partie de son récit qui donne surtout un prix réel à cet ouvrage ; une foule d’éclaircissemens y arrivent pour la première fois à l’histoire ; l’auteur a eu à sa disposition les papiers, les correspondances, les mémoires des hommes d’état de ce temps, et personne n’en pouvait tirer un meilleur parti. Les papiers de M. de Villèle lui ont déjà fourni d’utiles indications ; mais c’est dans les volumes suivans qu’il aura surtout à en faire usage, et nous sommes curieux de voir la physionomie définitive que ces révélations inédites donneront à cet habile ministre.

La publication du dernier volume de M. Duvergier de Hauranne a suivi de près la séance de réception de M. Dufaure à l’Académie française ; c’est une coïncidence, car l’homme distingué, M. Pasquier, dont M. Dufaure avait à esquisser le portrait, remplit aussi le récent volume de l’historien parlementaire. M. Pasquier n’a peut-être jamais eu à déployer plus d’activité dans sa vie politique que sous le second ministère du duc de Richelieu, au moment où le centre allait être supplanté au pouvoir par la droite. Le discours de M. Dufaure a été grave, sobre, simple : peut-être M. Pasquier était-il une nature trop souple, trop déliée, trop mondaine et en même temps pas assez saillante au point de vue du talent pour se laisser saisir par le vigoureux avocat, mieux préparé par les habitudes de sa vie aux mâles argumentations de la tribune ou du barreau qu’au dessin des pastels académiques. À la façon remarquable dont l’orateur a défini et décrit ce grand acte de l’esprit humain que l’on appelle l’improvisation, il était visible qu’il était à la gêne dans le cadre du discours écrit. M. Dufaure