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celui de bronze, qui annonce un état social beaucoup plus avancé, et enfin celui de fer, contemporain de l’époque gauloise. Ces trois âges sont certainement antérieurs à l’invasion romaine. Des fouilles faites récemment dans les lacs tourbeux du canton de Zurich et de Berne ont jeté un nouveau jour sur le genre de vie de ces premiers habitans de l’antique Helvétie. Des fruits, des graines, des fragmens de filets et de tissus se sont conservés dans la tourbe. On a reconnu des graines de plantes économiques, — le froment, l’orge, le lin,— des fruits comestibles et cultivés, tels que des poires, des pommes, des fraises. Ces peuples avaient donc une agriculture. M. Rutimeyer nous apprend qu’ils possédaient également des animaux domestiques.

L’étude des squelettes dont on trouve les débris dans les stations lacustres du nord de la Suisse était d’un immense intérêt. En effet, tous nos animaux domestiques sont les descendans, profondément modifiés par l’homme et par le temps, de types sauvages dont la plupart sont inconnus. Le mouton, le bœuf, le cheval, le chien et le cochon avaient été déjà asservis par l’habitant des cités lacustres. Le bœuf ressemblait aux petites races de montagne du canton des Grisons, de l’Appenzell et de la Forêt-Noire, et il est permis de présumer que le gros bétail de la plaine, celui de Fribourg et du Simmenthal, n’est qu’un perfectionnement de ces petites races montagnardes. Toutes deux ne sauraient être dérivées de l’aurochs ou urus et du bison, qui vivaient jadis dans les forêts de la Suisse comme dans celles du nord de l’Europe. La souche du bœuf domestique de l’Europe est probablement une espèce appelée par M. Owen bos longifrons. On trouve ses os dans les tourbières de l’Angleterre, mais on ne les a pas encore rencontrés dans celles de la Suisse. Les peuplades lacustres chassaient le bison et l’aurochs, dont on trouve les os brisés au milieu des pilotis. Le cochon n’était probablement pas à l’état domestique ; mais la dentition de ce cochon sauvage est celle d’un animal plus frugivore et par conséquent moins farouche que notre sanglier. Ce cochon sauvage (sus torfaceus) a disparu peu à peu, et notre cochon domestique est un descendant du sanglier, dont les instincts féroces se réveillent souvent en lui. Les fouilles faites dans les stations tourbeuses démontrent aussi que l’élan, le cerf, la biche et le daim animaient jadis les solitudes boisées de la Suisse. Le castor élevait ses digues dans les cours d’eau rétrécis et sur le bord des lacs, et la loutre y habitait comme maintenant. L’ours, si rare de nos jours, était alors commun dans les forêts montagneuses, ainsi que le loup, le renard et le chat sauvage. Le chien des habitations lacustres appartenait à une race de grandeur moyenne, à tête allongée. Il était à l’état domestique, comme le mouton, la