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I

Pour tomber d’accord sur les faits, il est bon de s’entendre d’abord sur les mots. Que veut-on dire par « enseignement professionnel ? » Dans leur généralité, ces mots prêtent à l’équivoque ; la signification en reste vague, précisément parce qu’ils signifient trop. L’élasticité dégénère ici en impropriété. Si l’on désigne ainsi la préparation à toutes les carrières, cet enseignement existe dans de larges proportions, et dans bien des cas il n’est plus à créer. On n’en était pas venu jusqu’à ce jour sans comprendre qu’au-delà de l’instruction fondamentale, qui est le lien et le titre des communautés lettrées, un partage doit s’opérer dans les études, et que dans un libre choix chacun obéit alors à ses goûts, à ses dispositions, à ses intérêts. Les uns vont vers le barreau, d’autres vers l’armée ; ceux-ci seront magistrats, médecins, ingénieurs, ceux-là savans, professeurs ou artistes. Quelque destination qu’ils prennent, des établissemens leur sont ouverts pour des études spécifiées et la collation des grades. Sous des noms divers, — facultés, écoles normales, écoles militaires, écoles d’application, grands séminaires,— ces établissemens se confondent dans le même objet, qui est de former des hommes à l’exercice des fonctions par lesquelles une société pense, agit, s’administre et se gouverne. C’est là incontestablement de l’enseignement professionnel, d’autant plus élevé qu’il touche à la vie morale. Est-ce de celui-là qu’il s’agit ? Non, il est fortement constitué. Serait-ce en faveur de l’agriculture que l’on revendique le nom avec la pensée d’en tirer toutes les conséquences ? Les illusions, à ce qu’il semble, ne vont pas jusque-là. L’agriculture s’apprend moins sur les bancs que dans ce vaste atelier dont la nature fait libéralement les frais, et où les méthodes se jugent par leurs fruits. L’agriculture n’est pas d’ailleurs si dépourvue qu’on le croit ; elle a dans Paris même les chaires du Conservatoire des arts et métiers, en province les cours et les sociétés libres, les concours régionaux, les fermes-modèles, les fermes-écoles, où se donnent, sur le terrain, les meilleures et les plus profitables leçons. S’il y a un vide dans l’éducation agronomique, c’est celui qu’a causé la suppression de l’Institut de Versailles, qui a duré si peu et. dans son passage a rendu tant de services. Voilà déjà bien des classes, puissantes par le nombre et les lumières, qui ne sont pour rien dans l’agitation dont l’enseignement professionnel a été le drapeau. Que reste-t-il en dehors ? En cherchant bien, on ne trouve guère que l’industrie et le commerce. C’est donc en vue de l’industrie et du commerce qu’on a mené ce bruit, créé des rivalités administratives, usurpé un nom qui est