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du crédit sont inconnues. Il faut prendre également en considération que cette masse de papier-monnaie supplée à toutes les autres valeurs pécuniaires qui existent ailleurs, et qu’elle constitue en Russie une espèce de dette consolidée qui, sans être obérée d’intérêts, répond à peine, défalcation faite des 72 millions de fonds d’échange, aux exigences du pays. Les caisses d’épargne n’existent presque pas en Russie ; le crédit n’est pas démocratisé comme en France et en Allemagne, Les paysans, les bourgeois, les petits employés, les domestiques, en un mot toute la masse de la nation ne sait pas encore ce que c’est qu’une action ou un coupon de rente. Il faut observer à cette occasion que tandis qu’il y a en France des coupons de 10 francs et même de 6 francs maintenant (soit une valeur de 200 et 130 fr.), en Russie le plus petit coupon était de 500 roubles de capital (soit 2,000 fr.). Ce n’est que depuis quelque temps qu’il y a été émis des billets de 100 roubles à 5 pour 100 (soit 400 francs). Toute l’épargne nationale est placée en billets de crédit. Il serait difficile d’évaluer exactement le chiffre auquel elle s’élève ; mais 70 millions d’habitans, dont l’épargne est assez considérable, doivent absorber une quantité de billets de crédit s’élevant en minimum au tiers, sinon à la moitié, de. tout le papier-monnaie circulant.

« Le crédit n’est pas développé en Russie, nous le répétons, comme dans les pays cités par M. Wolowski. Pour tous les paiemens de ville en ville, on se sert d’un moyen abandonné par tout le reste de l’Europe. On envoie l’argent en papier-monnaie par la poste. Les traites et les remises sont inconnues, et il n’est pas un seul pays au monde où d’aussi considérables envols d’argent se fassent par la poste. À peine s’il y a dans cinq ou six villes des comptoirs de la banque d’état qui délivrent des transferts. Encore la banque est-elle obligée de munir les succursales de fonds envoyés par la poste ou par une expédition au comptant escortée d’un caissier de la banque. En France, les banquiers, la Banque même et ses succursales, en dernier lieu aussi les mandats de la poste, remplacent, au grand avantage du public, les moyens primitifs dont se servent encore les Russes. Il n’en résulte pas moins qu’une grosse somme de papier-monnaie se trouve mise en dehors de la circulation, et l’on doit le reconnaître, si l’on prend en considération la lenteur des communications et les immenses distances à parcourir. C’est à peine s’il existe maintenant en France des trajets de plus de deux ou trois jours de durée ; mais en Russie les distances sont de dix, vingt, trente et même "soixante jours, ce qui fait que de fortes sommes sont soustraites à la circulation, et que les besoins financiers du pays en réclameraient peut-être le remplacement.

« Aussitôt perçues, les recettes du trésor français sont versées au crédit de l’état à la Banque de France ou dans ses succursales. C’est ce qui n’existe pas encore en Russie. Il y a de six cents à sept cents caisses de district et de province qui reçoivent les impôts ; chaque administration de gouvernement ou de ville a sa caisse à elle, et comme cet argent ne rentre au trésor qu’à certains Intervalles, il y a de très fortes sommes mises hors de circulation de cette manière-là aussi. Ces trois considérations prises dans leur ensemble amènent à réduire de 400 ou 450 millions le chiffre