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nul pour ainsi dire chez nous, à cinq ou six exceptions près, n’ait ouvert un seul volume des écrivains de la Grèce contemporaine. La langue d’Homère commence pourtant à retrouver une riche littérature, et, si elle était mieux connue, la Grèce se relèverait dans l’opinion publique, car il serait facile de voir, par ce qu’elle a produit depuis trente ans de liberté, qu’avant un siècle elle aura reconquis dans le mouvement des lettres et des sciences en Europe la place qui convient à son nom et à ses souvenirs., Aucun pays, dans les trente dernières années, n’a produit plus de poètes et de meilleurs. Les noms de Solomos, d’Alexandre Soutzo, de Zalacosta, de Rhangabé, de Valaoritis, sont dignes d’être cités avec honneur. Le style de la prose, comme il arrive toujours dans l’enfance des littératures, est jusqu’à présent moins fixé que celui de la poésie, bien qu’il y ait déjà dans ce genre des œuvres qui ne disparaîtront pas. L’Histoire de la Guerre de l’Indépendance de M. Tricoupis, l’Histoire de la Nationalité grecque de M. Constantin Paparrhigopoulos, la Vie de Washington de M. Dragoumis, les Études byzantines de M. Zambelli, le Cyrille Lucaris de M. Renieris, sont d’excellens travaux historiques, qui auraient été fort remarqués, s’ils avaient paru dans quelqu’une des langues de l’Occident. La lutte de la délivrance nationale a donné naissance à toute une bibliothèque de mémoires, parmi lesquels se distinguent ceux de Colocotronis, écrits sous la dictée du vieux chef péloponésien par M. Tertzétis, ainsi que l’Histoire de Souli et les Mémoires militaires du général Perrhévos, objets de l’admiration de Niebuhr, qui, sous la barbarie de la langue, y découvrait une ressemblance avec le livre de Thucydide. La science des antiquités, comme il était naturel en Grèce, s’y est développée la première et y compte de nombreux adeptes. MM. Coumanoudis, Papadopoulos, Rhousopoulos, Pervanoglou, M. Rhangabé surtout, à qui son beau livre des Antiquités helléniques a ouvert les portes de l’Institut de France, seraient considérés partout comme des archéologues de mérite. Les études ne se bornent même pas aux antiquités nationales ; l’hébreu est enseigné dans l’université d’Athènes, dans cette ville où les lettrés des siècles classiques professaient un si absolu dédain pour les langues des barbares. Déjà la Grèce a possédé un sanscritiste habile, Galanos, et plusieurs ouvrages de la littérature indienne n’ont encore été traduits que dans l’idiome des Hellènes. M. Braïlas, de Corfou, renouvelle, sur les traces de l’école spiritualiste française, la science de la philosophie dans le pays de Platon et d’Aristote. Les études de jurisprudence ne sont pas moins développées dans la capitale de la Grèce. Le livre de MM. Rhallis et Potlis sur le droit ecclésiastique oriental a eu cette rare bonne fortune d’être proclamé, dès son apparition, par les canonistes des pays catholiques et des pays protestans,