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nombre de 830, et sont annuellement fréquentées par 64,000 élèves. Lorsque nous faisions, il y a trois ans, des fouilles à Eleusis pour le compte du gouvernement français, sur 70 ouvriers que nous employions, et que nous avions uniquement choisis pour leur vigueur à manier la pioche, 6 seulement ne savaient pas lire, écrire et compter. Quand la génération qui s’élève aujourd’hui sera arrivée à l’âge d’homme, on ne rencontrera plus dans le pays un seul individu absolument illettré. L’avidité des connaissances est incroyable parmi les rangs populaires. « As-tu jamais rencontré un Grec qui ne fût pas capable de tout apprendre ? » nous disait avec une vanité naïve un matelot chez lequel nous étions étonné de trouver des notions tout à fait étrangères à son état. On lit énormément dans le peuple des villes et même des campagnes, mais on lit un peu indistinctement, le mauvais comme le bon, le mauvais en politique, voulons-nous dire, car la Grèce a le bonheur d’être préservée jusqu’à présent des publications obscènes qui inondent nos campagnes. Les journaux surtout sont dévorés. L’instruction supérieure est distribuée par 102 écoles secondaires dites écoles helléniques, où l’on enseigne les classiques de l’antiquité grecque et le français, et 7 gymnases, correspondant à nos lycées. Vient ensuite l’université d’Athènes, dont les cours sont si fréquentés. Ajoutons que plus de 200 jeunes Grecs se rendent chaque année dans les universités de France et d’Allemagne, où partout on les range au nombre des élèves les plus intelligens et les plus studieux.

C’est un beau spectacle que cette passion des choses de l’esprit, mais elle est poussée en Grèce à un degré fâcheux. Chacun aspire aux carrières libérales et néglige les occupations moins relevées, et en même temps l’exiguïté du territoire rend, pour les gens du pays qui n’iront pas ensuite s’établir en Turquie, ces carrières sans débouchés. La Grèce possède des littérateurs, des avocats, des médecins, des journalistes, des théoriciens politiques, en nombre suffisant pour défrayer un grand empire ; mais, bien que l’on ait importé dans le royaume hellénique les rouages compliqués des bureaucraties occidentales et que l’on y ait multiplié, les places du gouvernement sans proportion avec les ressources du budget, le pays est si petit que le nombre de ces places ne suffit pas aux compétiteurs. Toutes les voies qui y conduisent sont encombrées de candidats dont les chances de succès, en temps régulier, seraient presque nulles. Il n’y a pas non plus d’avancement possible dans l’armée par ordre réglementaire. Tous ces jeunes gens, qui ne trouvent pas un emploi de leurs facultés et de l’instruction qu’ils ont reçue, et qui ne se résignent pas à revenir à l’exercice d’une profession manuelle, souffrent et s’agitent. De là dans la jeunesse d’Athènes