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réjouissance et prenaient pour cibles les cheminées des maisons, ainsi que les lanternes à gaz, récemment établies[1]. Les plus à plaindre sans contredit pendant ces journées d’octobre, ce furent les cochers de fiacre, qui se virent forcés de promener gratis et en armes les gens du peuple et les soldats.

Nous avons déjà fait remarquer que la révolution d’Athènes se rattachait beaucoup plus au type des pronunciamentos espagnols qu’à celui des révolutions françaises. La principale différence entre ces deux espèces d’évolutions violentes dans l’ordre politique réside en ce point, que les influences diplomatiques ont une grande part à la naissance et à la direction des pronunciamentos, tandis que les révolutions du type français, bonnes ou mauvaises, sont plus sociales que politiques, et sortent par conséquent du pays lui-même, sans que l’action étrangère puisse les entraver ou en changer la tendance. On vient de voir dans quel chaos d’intrigues les puissances européennes s’étaient jetées à l’approche de la chute du roi Othon ; dans une semblable situation, le succès et le pouvoir devaient être le prix de la course, et bien habile eût été celui qui le matin du 22 octobre eût pu prévoir lequel des projets de l’Italie, de la Russie ou de l’Angleterre allait triompher quelques heures plus tard. Théodore Grivas, l’ancien ami de Colettis, avait toujours appartenu au parti français, et s’était montré un adversaire déterminé de l’influence de la Grande-Bretagne : ce n’était donc pas l’intrigue anglaise qui s’était mise à la tête du mouvement à son début dans l’Acarnanie. Lorsque Athènes se souleva à son tour, il n’y avait pas encore de direction politique déterminée, et les différens partis avaient des chances égales d’arriver au pouvoir. Pourtant, la crise une fois ouverte, les amis de l’Angleterre furent le plus vite prêts et montrèrent le plus d’activité. Le vieil amiral Canaris, qui était de tous les opposans le plus populaire et eût pu diriger le mouvement dans un sens favorable à la France, hésita devant la responsabilité d’une révolution complète ; pendant qu’il délibérait avec ses amis, M. Boulgaris, plus audacieux avec moins de scrupules, le gagna de vitesse, et, soutenu par quelques soldats en désordre et par les hommes du parti le plus avancé, se proclama chef du gouvernement provisoire. La nécessité d’une autorité quelconque

  1. C’est ce que racontait sous une forme plaisante une chanson qui était encore très populaire à Athènes au mois d’octobre 1863 : « En une seule nuit, ne trouvant pas de résistance, ils ont taillé en pièces au lieu d’ennemis tous les réverbères de la capitale. »