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clairant. Ce fut au milieu de ces difficultés qu’on s’avisa d’un moyen bien simple, mais qui suffit à développer rapidement la consommation. Jusque-là le coke des usines, seulement débarrassé à la claie des plus menus morceaux, contenait, en très grand nombre, des fragmens trop volumineux pour être facilement braies dans les foyers de petite et de moyenne dimension. Il n’y avait pas une grande difficulté à vaincre cet obstacle, il suffisait de procéder à la façon de Christophe Colomb faisant tenir un œuf debout ; mais personne n’y avait encore songé. Qui en eut l’idée première ? Je l’ignore. Quoi qu’il en soit, à dater de l’époque où, à très peu de frais, le coke, concassé dans un moulin, puis spontanément trié dans sa chute au travers de blutoirs gradués, fut approprié aux dimensions de toutes les grilles, et l’usage s’en répandit si promptement dans le chauffage domestique, que le commerce spécial organisé à cette occasion eut bientôt enlevé les tas amoncelés dans les cours des usines.

Quant à ce qui concerne les eaux ammoniacales provenant de la condensation des vapeurs aqueuses du gaz traitées par la chaux éteinte (hydratée), elles dégagent de l’ammoniaque directement épurée dans l’appareil et donnent, à la volonté de l’opérateur, soit de l’alcali volatil (eau saturée d’ammoniaque), soit des sels ammoniacaux revenant à plus bas prix que les produits similaires obtenus par la distillation des matières animales (débris d’os, de laine, de soie, de cornes, sang desséché, etc.), en sorte que cette dernière industrie fondée à Grenelle, en 1792, par mon père, et qui fit durant cinquante années une concurrence victorieuse à l’antique industrie égyptienne de la province d’Ammonie[1], est à son tour supplantée par l’extraction moins dispendieuse encore de l’ammoniaque des eaux du gaz. Les produits ammoniacaux sont devenus d’année en année plus abondans, et le cours commercial s’en est abaissé à mesure que la fabrication du gaz a pris une extension plus grande. Dès lors il est devenu possible de les appliquer à la nutrition des plantes, car ils recèlent un des élémens utiles, autrefois méconnu, du développement de la vie végétale. En Angleterre, où le prix des sels ammoniacaux est très bas, cet engrais sert à des applications plus fréquentes et plus étendues que chez nous.

Autrefois dans les usines le goudron était plus embarrassant que le coke : ne sachant comment s’y prendre pour l’emmagasiner sans des frais trop considérables, on essaya d’abord de le brûler pour chauffer

  1. On sait qu’en Égypte la fabrication du sel ammoniac est basée sur l’emploi des excrémens des chameaux. Ces déjections solides desséchées, puis employées comme combustible, laissent dégager des sels ammoniacaux volatils qu’on recueille dans les cheminées traînantes, et que l’on épure en les faisant sublimer dans des pots en terre à col étroit.