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théâtre des œuvres plus fortes, mais il n’y en a guère de plus aimables. Tous les spectateurs, de quelque âge qu’ils soient, quelque expérience qu’ils aient acquise, à quelque condition qu’ils appartiennent, peuvent également s’y plaire, car par un privilège heureux les personnages réunissent la candeur la plus pure à la passion la plus vive, et la vérité de leurs sentimens n’en altère pas l’honnêteté. Leurs passions pourraient être présentées comme des exemples à suivre, si jamais on pouvait proposer les passions comme objets d’imitation, et cependant elles ne font aucun sacrifice à la morale systématique, et l’observateur le plus expérimenté ne pourrait découvrir en elles la plus petite inexactitude, la plus légère infraction à la réalité, le moindre accent artificiel. Il y a dans cette aimable pièce je ne sais quelle transparence qui ravit l’âme sans la tromper, et qui, loin d’atténuer la vérité, lui laisse au contraire tout son éclat. C’est un drame qui se passe dans un milieu de cristal limpide, en sorte que les sentimens qu’il met en jeu resplendissent d’autant mieux que leur prison est plus nette et plus claire. L’honnêteté de ces âmes, au lieu de nuire à la vérité de leurs passions, en montre au contraire avec plus de franchise les mouvemens ordinaires et les jets de flammes, et leur candeur, au lieu d’être un embarras pour le dramaturge, lui sert au contraire d’auxiliaire. Ainsi la morale dans cette pièce joue le rôle qu’elle devrait toujours jouer, et que si peu de romanciers et de dramaturges savent lui faire jouer ; loin d’éteindre et de cacher la nature, elle ne sert qu’à la montrer et à la faire resplendir.

La vertu est, dit-on, toujours récompensée ; cet axiome fréquemment menteur, je le crains, aura du moins été une vérité pour la pièce de Mme Sand. Sa première récompense a été d’être interprétée comme elle méritait de l’être. La sympathie qu’elle est faite pour inspirer a gagné les acteurs chargés de la représenter, acteurs qui, à trois exceptions près, auraient pu parfaitement se passer la permission d’être médiocres, sans que personne songeât à leur en faire un reproche. O contagion des bons sentimens ! ils se sont tous permis d’être excellens, et les moindres rôles sont tenus d’une manière si irréprochable que le meilleur souhait que nous puissions former pour les acteurs du Marquis de Villemer, c’est que le talent dont ils ont fait preuve dans cette pièce les suive dans leurs rôles futurs et ne les, abandonne plus jamais.

Nous n’avons pas à analyser ce drame que tout Paris ira voir, et qui a respecté toutes les scènes essentielles du beau récit que les lecteurs de la Revue ont naguère accueilli avec tant d’émotion. Qu’est-ce que notre analyse pourrait leur apprendre sur les caractères et les aventures de la marquise et du marquis de Villemer, du duc d’Aléria, de la baronne d’Arglade, de Caroline de Saint-