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Gotha est à Paris. Quels que soient les motifs apparens du déplacement de ces personnages, les questions agitées en Europe ne peuvent être étrangères à de tels mouvemens, et laisseront des traces dans les impressions de voyage de ces princes. Le roi Léopold est le grand médiateur de notre époque, et nous voudrions que son influence équitable et sensée fût appelée à s’exercer sur le conflit dano-allemand. Le duc de Cobourg-Gotha joue depuis longtemps un rôle d’initiative en Allemagne. Il a été des premiers, dit-on, à concevoir l’idée d’une troisième Allemagne qui pourrait faire équilibre à la Prusse et à l’Autriche. C’est autour de cette conception que gravitent les cours secondaires de la confédération ; le roi Max de Bavière, qui vient de mourir si subitement, était désigné pour prendre la tête de cette sorte de Sonderbund. Cette utopie a dû récemment encore occuper les représentans des petites cours dans leur réunion de Würtzbourg. Nous ne voudrions pas, quant à nous, que la politique française attachât une trop grande importance à cette idée d’une troisième Allemagne. La diplomatie peut badiner autour de ce plan lorsque la tranquillité publique lui fait des loisirs ; mais dans les temps difficiles, quand on voit remuer de grands corps tels que la Prusse et l’Autriche, avec la Russie dans le lointain, chercher dans les fractions mobiles du fédéralisme excessif de l’Allemagne les élémens d’une fragile unité, ce serait, à notre avis, ressembler à un homme qui, tandis que sa fortune serait en jeu, s’amuserait à faire des patiences. Que le duc de Cobourg-Gotha ait à proposer à la France une combinaison où les droits des Danois et les aspirations germaniques se puissent réunir en se faisant mutuellement le moins de tort possible, dût M. de Bismark en être contrarié, nous le souhaitons de tout notre cœur. Il est un autre voyage étranger aux affaires d’Allemagne, mais qui touche plus directement aux intérêts français, et que nous aurions mauvaise grâce à ne point mentionner. Nous voulons parler de la visite que l’archiduc Maximilien vient de faire à l’empereur. Décidément l’archiduc Maximilien devient empereur du Mexique. Ici encore nous n’avons que de bons souhaits à former, car demander un bon succès pour l’entreprise du jeune prince autrichien, c’est demander du même coup que la France soit dégagée le plus tôt possible du fardeau du Mexique. Si nous étions une fée et si nous étions invités à l’inauguration du nouvel empire, nous donnerions au nouveau souverain le talisman dû crédit. Nous voudrions qu’à l’aide de notre amulette, le Mexique pût contracter à bon prix un très gros emprunt, qu’il pût se donner une banque à l’instar de la Banque de France, des institutions perfectionnées de crédit, et qu’après avoir tiré tant d’argent de l’empire des Incas, la France et l’Angleterre reconnaissantes, représentées par des banquiers enthousiastes et des capitalistes généreux, y voulussent bien renvoyer quelques centaines de vrais millions. La fée du crédit, l’empereur Maximilien la trouvera peut-être dans les lanes de la Cité de Londres, si par hasard elle n’était point venue à lui des riches hôtels de notre Chaussée-d’Antin.