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dent le midi de la péninsule, apportant avec eux des ressources et des industries qui certes n’appauvrissent pas le pays. Les étrangers arrivent plus nombreux que jamais[1].

La civilisation, qui se répand, crée des besoins que le peuple laborieux est appelé à satisfaire : ainsi Naples veut être éclairée au gaz. Il s’agit de creuser et de placer les tuyaux pour une canalisation de 140 kilomètres : cet immense travail, entrepris il y a quelques mois, doit être achevé en 1864 ; je laisse à penser le nombre de bras qui y sont employés. Grâce à leur chemin de fer, les Pouilles et les Abruzzes ont pris une vie nouvelle; le voyageur qui retourne dans ces provinces ne les reconnaît plus : elles n’ont rien gardé du passé, ne comptent que par centimes et par mètres, ne veulent plus entendre parler des vieilles cannes ni des vieux ducats, et sont tout à fait détachées de leur ancienne capitale. En un mot, tout se fait peu à peu dans ces pays, où tout, hélas! était à faire, et les capitaux étrangers affluent pour seconder cette révolution matérielle, qui rendra le brigandage impossible d’ici à peu de temps. L’agriculture s’éveille, des compagnies sérieuses s’organisent pour dessécher les marais et les canaliser en rivières, les terrains abandonnés vont revivre, des colonies lombardes s’établissent déjà pour donner à de vastes plaines désolées la plantureuse apparence des environs de Milan; la culture du coton vient d’enrichir des milliers de paysans; les récoltes, qui ont quintuplé en 1863, décupleront en 1864, et sont achetées d’avance par les grands manufacturiers de l’Alsace. Enfin, quand on songe à tout ce qui est en projet ou en cours d’exécution à Naples seulement, — les maisons ouvrières entreprises par M. Marino Turchi, les hôpitaux inaugurés par le roi lui-même, — on entrevoit pour les provinces toute une suite de progrès matériels et moraux dont les amis de l’Italie ne peuvent que se réjouir.

C’est par là que s’affermit de jour en jour l’unité nationale. Un plaisant disait, il y a trois ans : « Mettez un Napolitain et un Piémontais dans la même marmite, vous aurez deux bouillons. » Cette boutade aujourd’hui n’aurait plus de sens. Le mouvement des idées et des hommes, la pacifique invasion des septentrionaux dans le midi, des méridionaux dans le nord (on comptait à Turin, au dernier recensement, plus de 20,000 Napolitains), la fusion des intérêts, l’unification de la rente, la révolution administrative, les grandes entreprises industrielles, — toutes ces circonstances rendent impossible une nouvelle dislocation, qui serait un bouleversement formidable, la ruine du pays tout entier. Les ennemis de

  1. Naples comptait en 1858 326 auberges et 166 maisons meublées; en 1863, le nombre des auberges s’est élevé à 418, celui des maisons meublées à 313.