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GUSTAVE III
ET
LA COUR DE FRANCE

III.
LE COUP D’ÉTAT DU 19 AOUT 1772.


I.

En traversant l’Allemagne pour rentrer dans ses états[1], le nouveau roi de Suède ne pouvait refuser à son oncle, le grand Frédéric, l’hommage d’une visite. Une vive sympathie ne l’attirait pas à Potsdam et à Berlin comme à Paris et à Versailles ; il n’abordait au contraire qu’avec une défiance très légitime le redouté roi de Prusse. Catherine il et lui étaient les deux terribles voisins contre lesquels Gustave pressentait qu’il aurait à lutter, s’il ne voulait pas accepter l’abaissement et peut-être la ruine entière de son propre royaume. Frédéric, dans ses entretiens familiers, ne manqua pas d’insister sur les dangers que Gustave III, à son avis, attirerait sur la Suède et sur lui-même, s’il faisait quelque entreprise contre la fameuse constitution de 1720. On se rappelle que cette constitution, imposée après les désastres du règne de Charles XII, sous l’influence d’une impuissante et aveugle aristocratie devenue pour un temps maîtresse, était de nature à fomenter en Suède une périlleuse anarchie : les cabinets de Berlin et de Pétersbourg s’étaient empressés d’en garantir le maintien, comme ils s’étaient unis pour garantir les dé-

  1. Voyez la Revue du 15 février et du 1er mars.