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rétablir cette constitution de 1720, qui en était le plus sûr rempart, et châtier l’imprudent souverain qui avait osé dépouiller un peuple. On ne doit point oublier que la Russie n’avait pas seulement en vue, par ses traités avec la Prusse et le Danemark, un prochain démembrement de la Suède; elle avait aussi ambitionné l’honneur de former une puissante ligue du Nord, d’où l’influence française fût entièrement exclue. Si Gustave III avait consenti à répudier l’alliance française, il eût conjuré le danger présent : M. de Vergennes, dans sa correspondance, répète à chaque instant que M. d’Ostermann ne perdait aucune occasion d’insinuer cette pensée non-seulement à Gustave III, mais à ceux qui entouraient le roi, et, s’il était possible, à la nation suédoise elle-même. Aussi Gustave était-il écouté à Versailles lorsqu’il réclamait directement auprès de Louis XV notre secours pour une cause qui était plus que jamais commune.


« Ulriesdal, 17 mars 1773. — Monsieur mon frère et cousin, des circonstances dont l’ambassadeur de votre majesté lui rendra compte m’obligent à réclamer aujourd’hui de nouveau et de la manière la plus pressante cette amitié que votre majesté m’a accoutumé à regarder comme le plus sûr et le plus ferme appui de mon trône. Je dois y compter dans ce moment avec d’autant plus de confiance qu’il ne s’agit pas de mon intérêt seul, mais que ma cause est réellement celle de l’Europe entière, menacée des efforts réunis d’une ligue qui paraît avoir une domination universelle pour objet. La puissance de votre majesté seule peut mettre des bornes à des vues si ambitieuses et si injustes. C’est d’elle que j’attends et les conseils et l’assistance dont j’ai besoin, étant du reste, avec des sentimens fortifiés tous les jours par la reconnaissance, monsieur mon frère, etc. »


Le gouvernement français ne refusa pas de reconnaître l’évidente solidarité qui l’unissait à la Suède, et entama de nouvelles négociations. En février 1773, une convention de subsides vint s’ajouter à celle que Gustave III avait personnellement conclue lors de son voyage à Versailles, et le mois suivant on lui proposa un traité défensif : la France fournirait 12,000 fantassins ou un secours en argent avec une escadre de douze vaisseaux et de six frégates. Suivant une dépêche de Creutz, le quatrième article stipulait formellement que le casus fœderis aurait lieu, si quelque puissance attaquait la Suède « en haine de sa nouvelle constitution, » qui devenait ainsi la base de