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Le prix des terres est encore un indice assez exact de l’avancement de l’agriculture, aujourd’hui que, grâce à la facilité des communications et à la mobilité des capitaux, une moyenne générale tend à s’établir en Europe. Malheureusement les publications hollandaises contiennent bien peu de renseignemens à ce sujet. Il faut donc nous contenter d’une estimation approximative et appliquée à de grandes divisions du territoire. La zone argileuse, formée par les alluvions de la mer et des fleuves, est à peu près partout d’une très grande fertilité; elle se vend de 3,000 à 5,000 fr. l’hectare, ce qui donnerait une moyenne de 4,000 fr. pour les 1,500,000 hectares de la région basse. Les 1,500,000 hectares qui forment la zone sablonneuse sont loin cependant d’atteindre à une telle valeur, d’autant plus que la moitié à peu près en est encore inculte. Comme une partie de ces landes contient de la tourbe, on ne pourrait cependant les porter au-dessous de 300 fr. l’hectare. En attribuant aux terres cultivées une valeur de 1,600 francs, on arriverait pour la superficie totale du domaine agricole à une valeur d’environ 9 milliards, chiffre énorme relativement à l’étendue du territoire, et qu’on ne rencontre guère ailleurs. Ce qui explique ce total si considérable, c’est la merveilleuse fécondité du limon que les fleuves ont apporté ici, et qui est formé de la fine fleur de la terre d’une partie de l’Europe. L’Escaut, la Meuse et le Rhin, semblables à trois divinités bienfaisantes, enlèvent aux contrées plus élevées les élémens les plus précieux de leur fertilité, et viennent les déposer aux pieds de la Hollande, qui hérite par là des dépouilles des nations voisines. Ainsi procède la nature, fée toute-puissante et toujours active, qui, par d’invisibles opérations, ravit aux uns ce qu’elle donne aux autres.

Il n’est point de pays où le prix de la terre ait plus augmenté qu’en Néerlande, et la raison n’en est pas difficile à découvrir. Outre les causes générales, conséquences de la paix et du progrès de l’industrie, qui ont agi partout en Europe, telles que l’accroissement de la population, l’avilissement du numéraire, l’augmentation des produits, l’amélioration des moyens de communication, il est des circonstances particulières aux Pays-Bas, et qui les ont singulièrement favorisés. D’abord, tandis que le prix des céréales augmentait très peu, celui de la viande, du beurre et du fromage doublait, et au-delà. Or, comme la plus grande partie du territoire néerlandais est consacrée à la production de ces denrées si recherchées, il a dû participer plus que tout autre à la hausse générale du prix des terres. Ensuite, jusqu’à présent, le capitaliste hollandais n’achetait la terre que quand elle lui rapportait li pour 100, tandis qu’ailleurs on se contentait de 3 et de 2 1/2. A un placement qui le soumet-