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REVUE. — CHRONIQUE.

vons. Les exercices ou séances musicales qui se donnaient tous les quinze jours, pendant la saison d’hiver, attiraient dans la rue de Vaugirard, où était rétablissement de Choron, un public d’élite qui était composé de prélats, de gentilshommes, d’artistes de toute sorte et surtout de compositeurs et d’écrivains de goût, comme l’était M. Miel. J’y ai vu, à ces séances très courues, M. Fétis, qui était l’ami de Choron, qu’il a souvent défendu contre le Conservatoire et d’autres adversaires jaloux des succès qu’obtenait cette célèbre compagnie. Boïeldieu aussi y venait souvent, et son aimable figure s’épanouissait lorsqu’un passage lui plaisait. Rossini y est venu une ou deux fois, et le grand maître a conservé pour Choron une estime réelle. Il l’a défendu un jour contre un homme important qui voulait, je crois, supprimer l’institution de Choron. — Protégez plutôt un homme intelligent et dévoué qui seul, à Paris, sait aimer la musique, — répondit Rossini, qui fut écouté et qui eut le plaisir d’écarter le danger qui planait sur une école dont la fondation marque une date dans l’histoire de la musique classique en France.

Nous avons cette année de beaux et de nombreux concerts. Les plaisirs qu’ils nous offrent sont bien supérieurs à ceux que nous imposent les mélodrames qu’on donne aux théâtres sous le titre fallacieux d’opéras-comiques. À la cinquième séance du Conservatoire, qui a été fort brillante, on a entendu Mme Massart exécuter avec une bravoure admirable un morceau de piano avec accompagnement d’orchestre de Weber. Cette belle composition, où brille l’imagination chevaleresque de ce poète musicien, a produit un grand effet, et Mme Massart a été fort applaudie. Le concert a fini par la symphonie de Mozart en sol mineur, une merveille de grâce et de sentiment que l’orchestre a rendue et exécutée avec une perfection qu’on ne peut dépasser.

Les concerts populaires de musique classique attirent toujours à cette grande salle du cirque Napoléon ce public intéressant qui contient les divers élémens de la société française. Quand M. Pasdeloup ne cède pas à de fâcheuses influences, ses programmes sont plus variés que ceux du Conservatoire, qui reproduisent toujours des vieilleries insupportables, parce qu’on les a trop entendues. Le concert spirituel du vendredi saint qui s’est donné au cirque Napoléon à huit heures du soir a été le plus brillant de l’année. Le programme contenait d’abord l’ouverture d’Oberon, qui a été suivie d’un psaume de Marcello d’un beau caractère. On a exécuté ensuite un andante religioso de Mendelssohn, d’une douceur pénétrante, auquel morceau a succédé l’air di Chiesa de Stradella, que M. Delle Sedie a chanté avec un goût parfait. Je passe sur un chœur de M. Gounod, Super flamina, pour signaler les fragmens du septuor de Beethoven, dont le thème, les variations et le scherzo sont des merveilles d’imagination. L’exécution a été si bonne que le public a fait répéter le scherzo ; mais l’événement de la soirée a été Sivori exécutant la prière de Moise arrangée par Paganini.