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pour avoir conservé jusqu’à ce jour de félicité ma frêle existence. Accorde à cette réunion d’hommes instruits ta précieuse bénédiction, et fais que chacun de ces savans ait dans ses travaux le succès auquel il aspire. Et toi, illustre et immortel Linné, dont l’âme sans doute plane sur cette intéressante assemblée, puisse le feu de ton génie universel se répandre sur chacun de nous en particulier ! En plaçant ton buste avec celui des quatre grands hommes qui nous environnent, dans ce temple que j’ai érigé à la bonne nature, puissions-nous tous être électrisés par les lumières que tu as répandues ! Plongés dans l’admiration des œuvres inimitables de ce grand créateur, pénétrés de zèle et de persévérance dans nos travaux, puissions-nous les rendre utiles à la commune patrie ! »

L’émotion de l’orateur se communique aux assistans ; en présence du spectacle grandiose des Alpes et du lac Léman, le souvenir des séances tenues à la ville s’efface, l’image du poétique pavillon de Mornex reste gravée dans la mémoire de tous, et devient pour eux le véritable berceau de la société naissante. C’est là qu’elle naquit, la tradition le veut, et c’est là qu’elle fêtera dans deux ans le cinquantième anniversaire de sa fondation. Aujourd’hui Mornex fait partie du département de la Haute-Savoie, et (je m’en réjouis pour mon pays) cet anniversaire pacifique sera célébré en 1865 sur une terre désormais française. Il n’est point de savant qui ne partage ma satisfaction après avoir lu à la fin de cette étude l’analyse des travaux accomplis par la Société helvétique dans le domaine des sciences physiques et naturelles : elle est la première qui, voyageant chaque année, contribue ainsi à la diffusion des connaissances positives, semant des germes féconds à la surface du pays et popularisant les résultats de ses recherches dans des séances publiques, Depuis, d’autres sociétés ont suivi cet exemple : en France, la Société géologique, la Société botanique et le congrès des sociétés savantes ; en Angleterre, la British association) en Allemagne, la réunion annuelle des médecins et des naturalistes allemands ; en Italie, la société des Scienziati italiani ; en Scandinavie, celle des savans du Danemark, de la Suède et de la Norvège. Dans la Suisse, divisée en vingt-deux, petits cantons, où l’on parle quatre langues, le français, l’allemand, l’italien et le roman, la Société helvétique était un moyen de centralisation ; elle devait réunir, rapprocher, mettre en rapport direct les uns avec les autres des hommes occupés des mêmes études et tendant vers un même but : le progrès intellectuel, moral et matériel du pays. En Suisse, en Italie et en Scandinavie, c’est le besoin d’unité qui a créé ces sociétés nomades dont le lieu de réunion change tous les ans, mais dont l’esprit est le même. En France et en Angleterre, un besoin contraire les a fait naître ; la province essaie de réagir contre la prépondérance