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Marcel, professant comme son patron la religion réformée, avait reçu un coup d’épée mortel dans une rixe. Un vicaire de Saint-Médard l’alla voir et ne put le décider à se confesser. « Le menu peuple, dit le rapport, en ayant eu connoissance, s’assembla en un moment au nombre de sept à huit cents, un peu plus ou moins, et étant devant la maison du blessé, ils firent toutes les violences qu’on se peut imaginer, frappèrent à coups de pierres, bâtons et règles, contre les portes, qu’ils rompirent à quelques endroits, cassèrent toutes les vitres, et s’efforcèrent d’entrer dans la maison, s’écriant : « Ce sont des huguenots et parpaillots qu’il faut assommer, même mettre le feu aux portes, s’ils ne nous rendent le blessé. » L’arrivée d’un commissaire mit la populace en fuite. Quant au malade, il persista dans son refus et mourut le lendemain. Les scènes de ce genre se renouvelaient souvent. Le 24 juin 1690, le fils d’un nouveau converti en apparence voyait passer une procession, le chapeau sous le bras, mais debout. Sur le refus de se mettre à genoux, il fut insulté et rentra chez lui. La maison allait être forcée et brûlée quand l’arrivée d’un commissaire, appuyé d’agens déterminés, dissipa l’attroupement. Une autre lettre de La Reynie à M. de Harlay portait que le peuple continuait d’insulter les nouveaux catholiques et que beaucoup de gens avaient la tête troublée par l’excès du vin et de l’eau-de-vie. «Les fourbisseurs, ajoutait-il, ont marché par les rues avec des enseignes et l’épée nue. Le menu peuple du quartier Montmartre et du quartier Saint-Denis est sans raison, et ce sera un très grand bonheur si le reste du jour se passe sans désordre. J’ai fait avertir les brigades qui sont établies pour la sûreté des grands chemins de se trouver chacune en un lieu marqué hors des faubourgs où l’on pourroit les trouver en cas de besoin. Les cavaliers du guet sont pareillement avertis, et j’ai chargé les commissaires de demeurer dans leurs quartiers et d’avertir de tout ce qui méritera la moindre attention, et j’aurai aussitôt l’honneur de vous en rendre compte. » Ne dirait-on pas une scène de la Saint-Barthélémy ?

Les derniers édits n’admettant pas qu’il pût y avoir encore dans le royaume des personnes pratiquant une religion qui, comme le disait le pieux Louvois, déplaisoit au roi l’administration appelait nouveaux catholiques non-seulement ceux qu’on supposait n’avoir fait semblant de se convertir que pour échapper à la rigueur des ordonnances, mais encore ceux qui n’avaient fait aucun acte de conversion. Il suffit de lire ces ordonnances pour être édifié sur les procédés que les agens du gouvernement étaient autorisés à mettre en œuvre. Il fallait avant tout ne rien négliger pour que Louvois conservât a prépondérance dans le conseil. Naturellement les lettres de cachet, les ordres d’exil étaient la monnaie courante des