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gistrat qui avait tant fait pour la salubrité de Paris. Ne pouvant réformer un abus enraciné dans la vanité, La Reynie protestait du moins par son exemple. Après avoir expliqué les libéralités qu’il entendait faire aux pauvres et à divers établissemens charitables, il défendait que l’église fût tendue en noir pour lui, se bornant à demander, le jour de son inhumation, autant de messes qu’il pourroit en être dit. Veuf en 1658 de sa première femme, il avait épousé, dix ans après, Gabrielle de Garibal, fille d’un maître des requêtes, dont il eut un fils et une fille. Il laissa à son fils, outre sa part de succession, ses livres imprimés et reliés et ses livres d’estampes, évalués à 20,000 francs environ, « quoiqu’il n’eût pas, disait-il avec douleur dans son testament, déféré jusque-là à ses avis. » On sait en effet par Saint-Simon que ce fils. «qui ne voulut jamais rien faire, pas même venir recueillir la succession de son père, étoit allé, longtemps avant la mort de celui-ci, s’enterrer dans les curiosités de Rome, où il avoit passé sa vie, non-seulement dans le mépris du bien, mais dans l’obscurité et sans s’être marié. »

Le véritable créateur de la police parisienne, celui qui avait pour ainsi dire organisé la sécurité dans la capitale, et dont une multitude de règlemens encore en vigueur, notamment sur les jeux, les théâtres, la mendicité, etc., attestent la sagesse et l’activité, mourut à Paris le 14 juin 1709, âgé de quatre-vingt-quatre ans. On a pu voir, par ces règlemens mêmes et par sa correspondance, qu’il était de la race des administrateurs dont le nom mérite de survivre. D’une honnêteté qu’aucun soupçon n’effleura, vigilant et conciliant tout à la fois, instrument habile et énergique, quoique d’une fidélité douteuse dans ses amitiés, car il passa dans le camp de Louvois après avoir épuisé les grâces de Colbert vieillissant, les trente années où il dirigea la police furent, on peut le dire, celles où les crimes et les violences diminuèrent dans la plus forte proportion, où l’ordre fit le plus de progrès, où le développement de la vie sociale fut le plus sensible. On l’a vu dans une circonstance solennelle, l’affaire des poisons, en butte aux reproches acerbes des ennemis de Louvois, et l’on n’a pas oublié ce que disait Mme de Sévigné de sa réputation abominable ; mais on a pu voir aussi (ce qu’ignoraient ses contemporains) que ses sévérités avaient pour mobile les recommandations réitérées de Louis XIV, et il a constaté, avec une bonne foi touchante, ses indécisions et ses doutes. Quand en 1697 d’Argenson fut nommé lieutenant-général de police, Saint-Simon fit, au sujet de son prédécesseur, ces réflexions qui ont ici leur place marquée : « La Reynie, conseiller d’état, si connu pour avoir tiré le premier la charge de lieutenant de police de son bas état naturel pour en faire une sorte de ministère, et fort important