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plus que Paris cette multitude de petites épargnes cachées qui formeraient par leur réunion d’immenses capitaux. Rien ne les engage à sortir de leurs retraites. Sur les 150 millions de dépôts que reçoit la Banque, 25 seulement viennent des succursales. C’est un résultat misérable. Des banques locales, en multipliant les comptoirs, mettraient leurs caisses à portée des moindres capitalistes, et, en payant un intérêt, exciteraient les capitaux enfouis à se montrer.

Cette considération est décisive. Je m’étonne qu’elle n’ait pas frappé M. Victor Bonnet. Elle seule devrait amener l’établissement le plus prompt possible d’un comptoir par arrondissement, car si les banques anglaises et américaines reçoivent de si nombreux dépôts, c’est qu’on les trouve partout. Il y a bien en France 700 caisses d’épargne en y comprenant les succursales, pourquoi n’y aurait-il pas 373 comptoirs d’escompte et de dépôt? Les administrateurs des caisses d’épargne ont eu une louable émulation qui a manqué à la Banque; la bienfaisance a été plus ingénieuse et plus active que la spéculation, parce qu’elle a eu plus de liberté.

Plus il est difficile d’échapper aux crises véritables, plus il importe de supprimer les crises factices qui résultent d’une mauvaise organisation. Quand la masse des capitaux circulans se sera accrue, l’intérêt baissera naturellement. Rien n’obligera les banques à avoir toutes à la fois le même taux d’intérêt. Sous ce rapport comme sous tous les autres, on comparera les diverses gestions, et on verra dans quelles circonstances le commerce trouvera sans danger les conditions les plus favorables. Il y a sans doute de nos jours une certaine solidarité entre les grandes places commerciales, mais le lien qui les unit n’est pas tout à fait aussi étroit qu’on le dit. L’expérience prouve que l’escompte peut varier de 2 pour 100 entre la Banque de France et la Banque d’Angleterre; cette différence suffit. Nous voyons la Banque de France admettre à l’escompte les bons du trésor, les bons de la caisse de la boulangerie, les bons de la caisse des travaux publics; nous la voyons faire de grandes avances sur dépôts de rentes et d’autres valeurs. Il se peut que le milieu où elle se trouve lui en fasse une nécessité; les banques départementales ne seraient pas tout à fait dans le même cas : elles pourraient réserver davantage leurs ressources pour l’escompte du papier de commerce, qui est le véritable but de l’institution. La Banque de France tient à ses statuts; qu’elle les conserve, mais qu’elle n’empêche pas les tentatives nouvelles pour élargir le champ du crédit. Avec une banque unique, tout essai prend une telle gravité qu’on doit y renoncer. Avec plusieurs, les expériences deviennent moins formidables.

La fixité du taux de l’escompte n’est pas encore, quoi qu’on en