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comptes à 850 millions et leurs billets de circulation à 90 millions en 1847.

Il n’est pas inutile de rappeler dans quelles circonstances on les a supprimées. Quand éclata la révolution de février, la Banque de France ne put pas rembourser ses billets, et le gouvernement provisoire décréta le cours forcé le 15 mars. Dix jours après, un second décret donna aussi le cours forcé aux billets des banques locales, mais seulement dam la circonscription du département où chacune avait son siège. Cette mesure irréfléchie amena une situation intolérable. Il en résultait que si l’on avait à recevoir à Rouen et à payer à Paris, on était payé à Rouen en billets de la banque locale, qu’on ne pouvait pas refuser, et qui n’avaient point cours à Paris. Toutes les affaires de place à place s’arrêtèrent. Un cri universel s’éleva. En présence de cette difficulté dont il était lui-même le principal auteur, le gouvernement provisoire trancha la question au lieu de la dénouer, et par un nouveau décret en date du 27 avril il supprima les banques locales et les réunit à la Banque de France.

Ce fut là un acte révolutionnaire, accompli sans examen, sans discussion, sans contrôle, uniquement par le bon plaisir et la science du gouvernement provisoire, sous l’excuse d’une apparente nécessité. Rien n’était plus facile que d’y échapper en décrétant le cours forcé, puisqu’on y était, pour les billets de toutes les banques dans la France entière. L’émission des banques départementales étant strictement limitée, comme celle de la banque centrale, par le décret qui instituait le cours forcé, il n’y avait aucun motif pour favoriser les uns aux dépens des autres. Si dans la crise universelle certains billets présentaient plus de garanties, c’étaient ceux des banques locales, qui n’en avaient émis que pour 90 millions, tandis que la banque centrale en avait pour 350. Les banques essayèrent de se défendre, leur résistance fut vaincue par la situation impossible où les plaçait le décret du 25 mars. Celles de Nantes et de Bordeaux, qui tinrent bon un peu plus que les autres, ne purent retarder leur chute que de quelques jours. L’incontestable lacune que présentait leur constitution n’avait pas de grands inconvéniens tant que leurs billets étaient convertibles en argent. C’est le cours forcé dans un rayon limité qui avait fait tout le mal, et il serait injuste d’attribuer à la nature des choses ce qui n’a été que l’effet d’une volonté arbitraire, intervenant étourdiment au milieu d’une crise violente. Sans aucun doute, si les banques avaient survécu à la tempête, elles auraient porté remède, avec le concours du pouvoir législatif, à ce qui pouvait leur manquer. Le cours forcé même leur aurait servi, comme il a servi à la banque centrale, pour faire connaître et accepter partout leurs billets.