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léon Ier. Le grand empereur a été en effet le principal et à peu près l’unique auteur de cette idée. Le nom de Banque de France, donné à l’établissement créé en l’an XI, indique assez l’intention de son fondateur. Reste à savoir jusqu’à quel point une telle origine doit être une recommandation au point de vue économique et financier. Il y aurait un rapprochement curieux à faire entre la constitution de la Banque, telle que l’a conçue Napoléon, et celle de la caisse d’escompte fondée en 1776 par Turgot, et qui avait succombé pendant la révolution. Tout l’avantage resterait à l’ancienne caisse d’escompte, telle du moins qu’elle fut sous l’administration de Turgot et de Necker et avant que Calonne y eût touché; mais cette digression historique nous mènerait trop loin. Disons seulement qu’en cette occasion comme en toute autre Napoléon, en rétablissant les institutions de l’ancien régime, écarta ce qu’elles pouvaient avoir de libéral et conserva, en l’exagérant, leur côté centralisateur et despotique. Un reste de l’esprit de liberté fit insérer dans la loi de l’an XI l’article 31, qui posait le principe des banques départementales[1]. Tant que dura l’empire, cet article resta une lettre morte. Sous la restauration, il reprit quelque vie avec le gouvernement constitutionnel ; trois banques départementales furent instituées par ordonnance royale. Après la révolution de juillet, un nouvel élan donna naissance aux six autres.

Même alors, je ne le nie pas, un fort parti poussait à l’absorption des banques : ce parti, qui avait sa racine dans les traditions de la centralisation impériale, rencontrait dans les institutions parlementaires un obstacle tout-puissant. Tous les intérêts avaient alors les moyens de se défendre, et ils en usaient. Créées et dirigées par le commerce local, les banques départementales luttaient avec énergie contre le mauvais vouloir administratif; elles grandissaient à vue d’œil, et l’expérience se prononçait pour elles de plus en plus. A plusieurs reprises, la question avait été agitée dans les chambres; le principe de la pluralité avait toujours prévalu. La loi du 30 juin 1840, en renouvelant le privilège de la Banque de France, avait consacré l’existence des banques départementales en ordonnant qu’elles seraient à l’avenir constituées et prorogées par une loi. En 1842, une loi spéciale avait renouvelé le privilège de la banque de Rouen, et en 1848, au moment où éclata la révolution de février, la chambre des députés délibérait sur un autre projet de loi portant renouvellement du privilège de la banque de Bordeaux. Il n’est donc

  1. Cet article, qui n’est pas abrogé, est ainsi conçu : « Aucune banque ne pourra se former dans les départemens sans l’autorisation du gouvernement, qui peut leur en accorder le privilège, et les émissions de ses billets ne pourront excéder la somme qu’il aura déterminée. Il ne pourra en être fabriqué ailleurs qu’à Paris. »