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le mouvement qu’elle a produit dans les esprits, essayer de prévoir la solution qu’elle recevra.

Un premier fait domine cette question, et doit exercer une influence prépondérante : c’est la puissance de la vie municipale en Italie. Évidemment, dans tout système administratif, on tiendra le plus grand compte de cet élément. Qu’on veuille bien toutefois nous permettre de hasarder une simple hypothèse : supposons qu’une organisation pût se produire qui ne laissât point une assez grande part d’influence aux municipes; on peut affirmer que dans ce cas les mœurs seraient plus fortes que les lois, et que le municipe, quelque garrotté qu’il fût, saurait se mouvoir assez pour s’affranchir de ses liens. Que l’on considère en effet l’histoire italienne, en remontant, si l’on veut, jusqu’aux Romains : on y reconnaît, à travers cette longue suite de siècles, une affirmation incessante de la vitalité des municipes. L’organisation municipale fut la force de la civilisation romaine; sa tradition, non interrompue, se retrouve au moyen âge : la commune italienne est puissante et florissante alors que dans le reste de l’Europe les communes s’élèvent avec peine et vivent misérablement, préservées de mille périls par leur seule obscurité. Dans la plupart des pays, ce fut le travail de royautés tyranniques de rapprocher et de mêler jusqu’à un certain point les seigneurs et le peuple. Les républiques italiennes accomplirent cette œuvre par le seul prestige de leur vie municipale; de bonne heure les châtelains descendirent de leurs montagnes, vinrent résider dans les villes italiennes et s’inscrire sur les registres de leurs corporations.

Les républiques italiennes du moyen âge, par leurs institutions, par leur commerce, par l’invention du crédit, donnaient au monde un spectacle nouveau et inauguraient les principes qui plus tard devaient constituer la vie moderne. Il faut même le dire, c’est à cause de la vitalité propre de ces républiques que l’Italie resta divisée alors que se formaient les grandes nations européennes. Quand, au XVe, au XVIe siècle, les populations se furent réunies en groupes, quelquefois en principautés, pourquoi ne se forma-t-il point une imité politique? pourquoi ne vit-on pas se traduire dans la réalité cette patrie idéale qui existait déjà dans la langue, dans les arts, dans la conscience des penseurs et des poètes? C’est qu’il y avait dans chaque petit état une civilisation trop avancée pour qu’une grande puissance politique pût se former par les moyens que les grandes puissances politiques avaient alors à leur disposition. Comment les artistes, les savans, les banquiers de Florence, n’auraient-ils pas regardé comme une calamité le règne d’un baron féodal, vassal de l’église ou de l’empereur? Comment Venise n’aurait-elle