ter le regard du marin, épouvantée de l’émotion qui la gagnait elle-même, elle retira la main que Victor couvrait déjà de baisers et s’enfuit en courant au château.
Laurence ne revit pas Maxime sans une imperceptible rougeur, et Victor ne serra qu’en hésitant la main de son ami. Jusque-là en effet Laurence et Victor n’avaient été coupables qu’en imagination; mais depuis quelques heures ils l’étaient réellement et s’effrayaient à leur insu des résultats que leur faute pourrait avoir. Les nobles cœurs ne s’habituent point d’un seul coup à tromper, et le cri de la conscience ne s’étouffe que par degrés. Ces agitations de l’âme s’apaisent à la longue ou plutôt s’usent d’elles-mêmes en se répétant; mais au début elles se révèlent à ceux qui les partagent par une ardeur fébrile, par un désordre dont ils ne sont pas les maîtres. En les surprenant chez Victor, Laurence eut une pensée cruelle. Il la mépriserait peut-être, puisqu’il se repentait. Cette pensée l’obséda toute la nuit et lui inspira les résolutions les plus contraires. Elle voulait prier Victor de tout oublier ou se l’attacher plus étroitement encore. Quoiqu’elle ne se dissimulât pas la gravité de sa conduite, il se mêlait à ses angoisses une sensation délicieuse. Elle goûtait pour la première fois au fruit défendu avec autant de plaisir que de terreur. Jamais elle n’avait éprouvé rien de pareil pour Maxime.
Le lendemain, quand elle fut lasse de projets et de rêves, elle pensa qu’elle allait se retrouver en présence de Victor, et elle eut peur. Aussi apprit-elle avec joie qu’il était parti avec Maxime, et qu’ils ne rentreraient que le soir. C’était un répit dont elle se promit de profiter pour se tracer un plan de conduite; mais lequel? La journée se passa sans qu’elle se décidât à rien. Si ses rapports avec Gabrielle eussent été tels qu’autrefois, elle lui eût demandé conseil; mais elle n’avait plus le droit d’en agir ainsi. Mme Dorvon cependant se montrait depuis quelque temps déjà, et surtout ce jour-là, si affectueuse et si gaie, qu’elle semblait n’avoir jamais aimé Victor. Certes, si Laurence avait été abandonnée par lui, elle ne se serait pas consolée. Elle observa donc son amie, et se figura que si elle avait eu quelque attachement passager pour M. Narcy, elle était tout à fait guérie. Elle eût donné beaucoup pour que cela fût, car à mesure que l’heure avançait, elle avait un besoin plus impérieux de se confier à quelqu’un qui la guidât dans ses perplexités, qu’elle ne savait point résoudre. Une fausse honte qu’elle ne pouvait vaincre l’arrêtait encore, lorsque Gabrielle lui dit : — Tu es bien soucieuse, ma chère Laurence. Qu’as-tu?
Laurence ne put retenir ses larmes.
— Tu as un secret que tu ne me dis pas. Tu te grossis les torts