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néraire. L’un des côtés du de formant la base de la colonne porte une inscription en français qui rappelle en termes modestes la vie laborieuse du défunt. Une traduction en malgache est sur la face opposée. À côté du tombeau sont encore les allées d’orangers, de caféiers et de manguiers plantés par M. de Lastelle, qui avait fait de ce lieu sa retraite de prédilection. Au pied des arbres poussent les ananas et les roses, et du haut de ce gracieux coteau on aperçoit à ses pieds l’Ivondrou, qui décrit ses méandres jusqu’à la mer. Une ligne nettement tracée de dunes sablonneuses dessine le rivage. À droite et à gauche du spectateur, sur le relief moutonnant du sol se déploie la végétation particulière à Madagascar, et dans les plaines étroites, au pied de ces collines, des fourrés plus épais masquent les flaques d’eau et les lagunes, sources des fièvres paludéennes. Çà et là se montre une cahute ou un pauvre village, et à l’horizon, du côté opposé à la mer, une chaîne de hautes montagnes va courant du nord au sud, élevant comme une fortification naturelle pour défendre par un obstacle de plus la province intérieure d’Emirne. Tel est le lieu charmant que notre compatriote affectionnait ; c’est là qu’il aimait à se retirer au milieu des ennuis de l’exil et de ses longs et courageux efforts, là qu’il venait jeter un regard sur l’avenir et former des rêves de fortune qui devaient si peu se réaliser ; c’est là enfin qu’il a voulu reposer après sa mort, et que nous avons pu, non sans une vive émotion, contempler du même coup d’œil la tombe que lui a élevée Juliette et l’usine qu’il a fondée.

Les traitans de Tamatave, dont il faut bien dire ici quelques mots, ne sont pas tous, comme M. de Lastelle, des modèles à citer. Plus d’un parmi eux a été jeté sur les rives assez peu hospitalières de la grande île par une peccadille qu’il y est venu cacher. Il y a parmi les Français de Madagascar plus d’un matelot déserteur, plus d’un capitaine ayant vendu son navire, plus d’un marchand malheureux ; mais le travail et l’exil peuvent à la rigueur faire oublier le passé. Ce ne sont pas du reste les gens les plus favorisés du sort ou les plus irréprochables qui président à la naissance des colonies, et l’on sait de quelles hordes impures ont été peuplés à leur naissance deux pays aujourd’hui cités parmi les plus tranquilles et les plus fortunés du monde, la Californie et l’Australie. Si à Madagascar l’exploitation de l’or n’est point encore venue appeler en nombre les colons, il y a d’autres élémens capables de tenter les gens désireux de faire fortune. Les grandes cultures industrielles particulières aux tropiques peuvent toutes y réussir sur un sol où le sable même est d’une étonnante fertilité, et le commerce avec la côte orientale d’Afrique, les îles de la mer des Indes, l’Inde elle-même, ouvre