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L’invasion soudaine de la Belgique par l’armée française avait ému profondément l’Europe ; mais, entreprise au nom des principes mêmes qui avaient déjà triomphé dans le sein de la conférence des plénipotentiaires siégeant à Londres, elle eut immédiatement ce double résultat de refouler les Hollandais dans leurs anciennes positions, et en même temps d’inspirer à la conférence l’ardent désir de clore le plus tôt possible, par un traité définitif, une question qui pouvait exalter à chaque instant les instincts belliqueux de la France.

Dès le 15 novembre 1831, sous le coup de cet événement et sous l’impulsion de la volonté résolue de la France, les cinq grandes puissances conclurent le traité constitutif de la Belgique, traité dit des vingt-quatre articles, qui reçut ce jour même la signature des plénipotentiaires du jeune état né de la résurrection en France du drapeau des luttes nationales de 92 et de 1814.

Nous n’entrerons pas dans le récit détaillé des résistances ouvertes ou des réserves dilatoires auxquelles donnèrent lieu les demandes de ratification aux divers gouvernemens. Qu’il nous suffise de dire que la Hollande refusa nettement de traiter avec la Belgique, et par conséquent de signer le traité du 15 novembre, que la Russie subordonna expressément sa ratification à la modification de trois articles contre lesquels la Hollande protestait plus spécialement, et que la majorité des plénipotentiaires en profita pour ajourner toute exécution jusqu’à ce que la conférence eût épuisé la discussion sur les réserves de la Russie.

Cependant chaque jour voyait se resserrer davantage entre la France et la Belgique des liens qui venaient de recevoir une consécration plus intime et plus solennelle par le mariage du roi Léopold avec la fille ainée du roi des Français, la princesse Louise, de sainte et populaire mémoire.

La discussion n’avançait pas dans le sein de la conférence. Bien plus, les plénipotentiaires du roi de Hollande lui firent parvenir, le 20 septembre 1832, une espèce d’ultimatum contenant les modifications sans lesquelles le roi Guillaume menaçait de rompre toute négociation.

Une telle situation ne pouvait durer.

Une proposition de sommation, présentée par M. de Talleyrand d’accord avec lord Palmerston, amena bientôt la rupture de fait de la conférence, et donna naissance, le 22 octobre, à une convention séparée entre la France et FAngleterre, qui stipulait éventuellement l’emploi de forces navales, françaises et anglaises combinées, et d’un corps de troupes françaises, pour faire évacuer, au besoin par la contrainte, toutes les parties du territoire belge. L’évacuation devait avoir lieu le 12 novembre.

La Russie déclara officiellement qu’elle se retirait de la conférence. La Hollande persista dans sa résistance malgré l’envoi immédiat des flottes.

L’Angleterre elle-même, qui avait espéré et espérait encore qu’une démonstration par mer suffirait pour triompher de l’obstination et des illusions