Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il abrogeât cette loi, dont il s’était trop hâté de célébrer par avance les heureux résultats.

Après ce long préambule viennent les tarifs, qu’on n’a malheureusement pas tous conservés, mais qui se complètent tous les jours par les découvertes qu’on fait en Grèce et en Asie. Ce qui caractérise le maximum de Dioclétien, c’est qu’il n’était pas borné aux céréales et qu’il s’étendait à tout. Le prix de chaque objet est soigneusement fixé dans ces listes, et les chiffres qu’elles contiennent, quand on les étudie de près, nous donnent plus d’un renseignement précieux[1] : on y trouve le salaire des différens ouvriers qui travaillent aux champs ou à la ville, et même les appointemens des divers professeurs calculés d’après l’importance de leurs fonctions; le prix qu’on paie à chacun d’eux indique l’estime qu’on fait de la science qu’il enseigne. Les dépenses de la table y tiennent une grande place : les Romains ont toujours été très gourmands. On peut savoir ce que coûtaient les différens vins qu’on buvait alors, aussi bien le vin ordinaire (vinum rusticum) que les crus plus renommés que nos marchands appellent les grands vins (vinum primi gustus). Il y est question des huîtres et des coquillages de diverses qualités, des légumes frais ou secs, de la volaille et du gibier, du poisson, de la viande de bœuf ou de porc, avec ses diverses catégories, sans oublier ces comestibles renommés qui arrivaient jusque dans l’Orient et faisaient l’objet d’un grand commerce d’importation, par exemple les jambons qu’on préparait dans le pays des Ménapes, entre le Rhin et la Meuse, et ceux qui venaient du pays des Cerretaniens, au pied des Pyrénées, ou, comme on dirait aujourd’hui, les jambons de Mayence et de Bayonne. L’édit parcourt ensuite l’ameublement et le mobilier dans ses moindres détails; mais il est surtout prolixe sur l’article des vêtemens. On peut, avec les notes savantes de

  1. Voici comment M. Waddington évalue approximativement les prix des salaires et des denrées les plus usuelles tel qu’il est fixé dans l’édit de Dioclétien. Le prix du blé et de l’orge manquent.
    ¬¬¬
    fr. c. fr. c.
    Seigle, l’hectolitre 21 55 A l’ouvrier de campagne, nourri, par jour 1 55
    Avoine, — 10 75 Au maçon, charpentier, — 3 10
    Vin ordinaire, le litre » 92 Au peintre en bâtimens, — 4 65
    Huile ordinaire, — 1 38 Au peintre décorateur, — 9 30
    Viande de porc, le kilogramme. 2 28 Au berger, — 1 24
    — de bœuf, — 1 52 Au barbier, par personne » 12
    — de mouton, — 1 52 Au maître de lecture, par enfant et par mois. 3 10
    Une paire de poulets 3 72 — de calcul, — 4 65
    — de canards 2 48 — d’écriture, — 3 10
    Un lièvre 3 30 — de grammaire, — 12 40
    Un lapin 2 48 Au rhéteur ou sophiste, — 15 50
    Huîtres, le cent 6 20 A l’avocat pour une requête 12 40
    Œufs, — 6 20 — pour l’obtention d’un jugement 62 »
    Au garçon de bain, par baigneur « 12


    M. Waddington fait remarquer que, dans leur ensemble, ces prix diffèrent peu des prix de nos jours dans les villes. La cherté du vin ordinaire s’explique peut-être par un droit élevé qu’il payait au fisc.