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Nous fûmes pendant plusieurs années obligés de pourvoir en même temps aux opérations militaires que la résistance des Arabes rendait nécessaires et au déploiement de forces que l’attitude malveillante des puissances européennes nous faisait un devoir de leur opposer. Nul ne saurait dire les embarras créés par une telle situation à notre politique générale, lorsque nous eûmes à fonder une Belgique indépendante, et plus tard, lorsqu’exclus du règlement de la question d’Orient, nous eûmes à reconquérir notre place dans le concert européen. Et cependant l’Algérie était à nos portes; une escadre nombreuse, que nous tenions constamment à la voile ou feux allumés, pouvait, comme un pont jeté d’une rive à l’autre de l’océan, servir à renforcer notre armée ou à la ramener sur le territoire français.

Par sa position de grande puissance européenne, la France a plus besoin de réunir ses forces que de les épandre au dehors. A moins de faillir à sa mission, elle doit se tenir prête à faire face à toutes les éventualités de la politique continentale. Manquer à ce devoir dans l’état présent de l’Europe serait une folie qui compromettrait non-seulement la renommée de nos hommes d’état, mais aussi, ce qui nous importe plus, la dignité et la puissance de notre pays. Que de raisons il faudrait ajouter à ces considérations d’un ordre supérieur, si l’on voulait entrer dans quelques détails sur les moyens de faire réussir ces expéditions lointaines! Elles demandent un plan fortement conçu, un esprit de suite, une prévoyance et une persévérance qu’aucun événement ne peut surprendre. Elles demandent plus encore, le concours de l’opinion publique, l’assistance d’une population animée de la même ambition que le gouvernement, prête à toujours associer son industrie, son commerce, ses capitaux, à la réalisation de ses projets. Ce concours, comment peut-il l’obtenir? En faisant appel au pays, en lui communiquant ses convictions au moyen de la presse, de la tribune et de la libre discussion. A qui contesterait l’efficacité des institutions libres en pareil cas, c’est encore l’exemple de l’Algérie qu’il y aurait à citer. L’entreprise commencée en 1830 sur le sol africain était grande et hérissée de difficultés; il y fallait de lourds sacrifices, beaucoup de temps, de longs et persévérans efforts. On sait à quelles conditions elle a réussi. Dès les premières opérations, le but a été loyalement signalé à la France : c’était la prise de possession et la colonisation d’un vaste territoire. Pendant plusieurs années, et sous l’influence d’événemens tour à tour favorables et contraires, l’entreprise a été soutenue et combattue en pleine liberté, et nous avons successivement entendu poser dans les délibérations parlementaires tantôt la question de l’abandon, tantôt celle de l’occupation restreinte, enfin celle de l’exten-