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par lequel le roi de Cochinchine, — en échange d’un corps auxiliaire français mis à sa disposition, — cédait à la France la péninsule de Tourane et l’île de Poulo-condor, et accordait à notre commerce et à notre marine marchande des immunités dont ne jouiraient pas dans ses états les autres nations. L’évêque d’Adras tira de ce traité une grande autorité, et, aidé de quelques Français dont les noms ne sont pas oubliés en Cochinchine, parvint, après bien des luttes suivies de vicissitudes diverses, à faire triompher la cause de son client Gia-long. Un tel précédent gardait-il quelque importance? Ce qui est certain, c’est qu’en 1857 le gouvernement avait soumis le traité signé par l’évêque d’Adras et M. de Montmorin à l’examen d’une commission[1] qui, après une longue et patiente investigation, s’était vue forcée de reconnaître que la France, détournée par les événemens de la révolution de 1789, n’avait pas exécuté les principales dispositions de ce traité, et qu’en conséquence l’on devait le considérer comme nul et non avenu. On rappelait aussi qu’en 1843 l’amiral Cécile, accompagnant la mission de M. de Lagrené, avait été chargé, de concert avec lui, de chercher dans l’extrême Orient un point où, à l’abri de notre pavillon, notre commerce et notre marine trouveraient une protection permanente. On citait les instructions de M. Guizot, alors ministre des affaires étrangères, qui disait : « Il ne convient pas à la France d’être absente dans une si grande partie du monde où déjà les autres nations de l’Europe ont pris pied. Il ne faut pas, en cas d’avaries, que nos bâtimens ne puissent se réparer que dans la colonie portugaise de Macao, dans le port anglais de Hong-kong ou à l’arsenal de Cavite, dans l’île espagnole de Luçon[2]. » Ces instructions, empreintes d’une louable prudence, excluaient, dans le choix à faire, toute possession d’un territoire étendu et qui nous aurait entraînés à des luttes incessantes avec de nombreuses populations. Elles recommandaient la préférence pour une île où il nous serait facile de nous maintenir en paix, éloignés de tout voisinage hostile, dans des conditions favorables de salubrité et de ravitaillement. M. de Lagrené et l’amiral Cécile, pour l’exécution de ce programme, avaient jeté les yeux sur l’île de Basilan, située près de Mindanao, à l’extrémité de l’archipel de Soulou[3]. Ils y débarquèrent même des forces et obtinrent un

  1. Cette commission était ainsi composée : le baron Brenier, ministre plénipotentiaire, président; M. Cintrat, directeur au département des affaires étrangères; le contre-amiral Fourichon, Fleury, directeur au ministère du commerce; Jaurès, capitaine de vaisseau ; de Mofras, secrétaire.
  2. Ces instructions se trouvent in extenso dans l’introduction de l’ouvrage de M. Laurens Oliphant sur la mission du comte d’Elgin. Paris 1860.
  3. Voyez sur notre visite à Basilan un article de M. C. Lavollée dans la Revue du 1er août 1853.