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dans la propriété pleine et entière des détenteurs. Ceux-ci sont affranchis à tout jamais de toutes les redevances sans exception dont ils avaient jusqu’ici été grevés au profit des propriétaires, savoir, de la corvée, des redevances pécuniaires, des prestations en céréales et des autres contributions de toute dénomination. Les procédures au sujet clés arriérés desdites redevances aujourd’hui abolies sont annulées sans pouvoir être reprises à l’avenir. » Il est difficile d’exprimer plus naïvement cette prétention ordinaire des autocraties à ne reconnaître d’autres droits que leur volonté. Le tsar s’arroge le pouvoir de retirer et de donner la propriété, d’annuler les dettes, d’abolir les conventions. L’exemple du gouvernement national ne saurait être une excuse, car les gouvernemens établis ont pour premier devoir de respecter un peu plus les principes du droit que les comités insurrectionnels. Et ce n’est plus seulement des fermiers qu’il s’agit, mais de tous les ouvriers ruraux sans exception, des métayers, des jardiniers, des garçons de ferme, des journaliers, des simples locataires ou sous-locataires, sans distinction de titres. Cette jouissance héréditaire, qui pouvait jusqu’à un certain point expliquer la transmission de propriété, n’est plus exigée; la possession la plus temporaire suffit (art. 5 et 14). Le gouvernement national, qui n’avait songé qu’aux 330,000 fermiers, est dépassé. En acquérant la propriété du sol sans bourse délier, le paysan acquiert aussi celle des bâtimens, des bestiaux, des semences, etc. Seulement, par un reste de considération, l’empereur veut bien décider que les maisons où sont logés les gens de service, les bergers, les jardiniers, les forestiers, n’appartiendront à leurs habitans qu’autant qu’elles seront situées dans le village et non attenantes à l’habitation ou à la ferme du propriétaire.

Le droit régalien sur les mines n’a jamais existé en Pologne, et les anciens seigneurs avaient toujours eu la jouissance absolue du sous-sol comme de la superficie. En conséquence de ce droit, il y a des mines, des minières, des carrières, actuellement en exploitation. L’article 15 du premier ukase confère aussi aux paysans la propriété du fonds, et si, sous le terrain qui leur est concédé, le propriétaire a commencé l’exploitation d’une carrière, il doit suspendre tout travail et ne peut le reprendre qu’après avoir indemnisé le nouveau possesseur. C’est ainsi que l’ukase traite les droits acquis. Et les droits des tiers, les droits des créanciers? On ne les respecte pas davantage. Les terrains donnés aux paysans sont affranchis de toute hypothèque et de toute autre charge envers les tiers. C’est décréter la ruine de milliers de familles et probablement aussi celle de la Société de crédit foncier qui prêtait par hypothèque sur des terres dont la moitié restera désormais pour toute garantie de la dette.