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venu annuel d’un morgen de terre (60 ares) est fixé de 3 fr. 60 à 4 fr. 80 (de 90 kopecks à 1 rouble 20 kopecks), quand il est également fort supérieur, surtout aux environs de Varsovie et dans toute la vallée de la Vistule. Sur la somme telle quelle que donneront ces évaluations, on retranche encore un tiers quand il s’agit de corvées et un cinquième quand il s’agit du cens en argent; on capitalise ce qui reste à raison de 6 pour 100, et on délivre le montant en lettres de gage rapportant 4 pour 100 d’intérêt et remboursables en quarante-deux ans. Pour peu que ces lettres de gage perdent sur le marché, et elles perdront nécessairement, les propriétaires auront à peine le cinquième de ce qu’on leur prend.

ici encore on nous signale dans le texte russe un article qui ne se trouve pas dans la version française; c’est l’article 22, qui serait ainsi conçu : « le comité principal, chargé de l’organisation rurale du royaume, est autorisé à réduire les bases déterminées par l’article précédent jusqu’à quarante pour cent dans les cas où, vu les circonstances locales, l’application de ces bases aurait produit une indemnité trop forte comparativement à la valeur réelle de la terre. » On comprend en effet qu’on se soit peu soucié de faire connaître à l’Europe un pareil article; l’indemnité, dans ce dernier cas, sera tout au plus du dixième.

En revanche, ce qui est beaucoup plus sûr que le paiement des lettres de gage, c’est l’acquittement des charges destinées à y parer. Autant le gouvernement russe se montre économe à l’égard des propriétaires dépossédés, autant il prend soin d’assurer les rentrées qui doivent payer ces indemnités dérisoires. D’abord il soumet les paysans à un impôt foncier égal aux deux tiers de leurs anciennes redevances, ce qui diminuera beaucoup à leurs yeux la valeur du présent qui leur est fait; puis il se substitue aux anciens seigneurs pour le droit sur les boissons. À ces deux ressources extraordinaires, il ajoute le produit éventuel de la vente des parcelles vacantes et délaissées, et enfin un impôt additionnel perçu sur tous les biens immeubles du royaume autres que ceux des paysans, c’est-à-dire sur les terres qui restent aux anciens propriétaires. Ceux-ci se paieront de la sorte à eux-mêmes une partie de leur indemnité; ce qu’on semble leur donner d’une main, on le retire de l’autre : à quoi il faut ajouter que l’indemnité sera remboursée en quarante-deux ans, et que l’impôt additionnel probablement restera toujours. Le gouvernement russe n’aura pas voulu laisser échapper l’occasion de faire une bonne affaire : c’est lui qui touchera, sous prétexte d’indemnité, la plus grande partie de ce qu’auront à payer les propriétaires anciens et nouveaux.

Il n’y a que peu de chose à dire du quatrième ukase, qui concerne