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ditif et pratique. Le gouvernement n’aurait pas moins à gagner que le pays à l’adoption des procédés les plus simples et les plus directs.

L’on arrive en effet, avec le système actuel, à d’étranges anomalies. Le droit d’interpellation n’appartenant point à la chambre, la chambre ne pouvant poser des questions au gouvernement qu’une fois par an à propos de l’adresse, un fait bizarre s’est produit cette année. Depuis quatre mois, une affaire extérieure préoccupe gravement et exclusivement les esprits : nous voulons parler de la question danoise. Une guerre a éclaté sur le continent européen. L’intégrité d’un petit état, vieil allié de la France, a été attaquée par les armes. Les agresseurs, la Prusse et l’Autriche, sont des puissances de premier ordre. Le Danemark a été envahi, ses positions fortifiées ont été enlevées par l’ennemi, son armée est déjà décimée. L’Angleterre s’est livrée, à propos de cette affaire, à une agitation diplomatique inouïe : nous connaissons les cent soixante-dix dépêches écrites par lord Russell sur la question danoise; les chambres anglaises se sont occupées à plusieurs reprises de cette question, et ont témoigné l’émotion qu’elles en ressentaient. Une conférence s’est enfin réunie à Londres afin de travailler au rétablissement de la paix. Eh bien! de tous ces faits, qui ont, depuis quatre mois, excité dans toutes les parties de l’Europe la surprise, l’agitation, l’anxiété, pas un mot n’a été dit dans les chambres françaises. Les incidens de la question danoise n’avaient pas encore éclaté au moment de la discussion de l’adresse, et, le temps de cette discussion s’étant écoulé, le gouvernement et le pays n’ont pu, par l’intermédiaire des assemblées, échanger une seule pensée, une seule parole, au sujet de la question danoise. Grâce au système qui régit les rapports du gouvernement avec nos chambres, une crise extérieure d’une extrême importance n’est pour l’opinion française qu’un sous-entendu prodigieux. Voilà pour les affaires du dehors. Dans le cercle des affaires intérieures, les inconvéniens sont peut-être moins apparens, et cependant ils ne sont pas moins réels. Certains tiraillemens ministériels, résultat inévitable d’un système qui sépare l’action de la parole, pour ne point parvenir d’une façon officielle à la connaissance du public, ne demeurent cependant pas tout à fait ignorés de lui. Nous n’avons pas à nous occuper de ces froissemens intérieurs dont le bruit discret nous arrive à peine de temps en temps comme par des bouffées de chuchotemens. Ce qui est visible, c’est que l’action gouvernementale ne gagne point à être éloignée de l’action législative par des rouages trop compliqués. Cet éloignement rend parfois l’action ministérielle moins vigilante, moins avisée qu’on ne devrait le désirer. Une certaine somnolence, entrecoupée de réveils en sursaut, amène des omissions, des contradictions, des boutades tant soit peu étourdies, sur lesquelles on est bientôt obligé de revenir. On a eu de récens exemples de ces curieux oublis. Comment avait-on songé, en ayant l’heureuse inspiration d’abolir le second décime de guerre, à modifier par une simple disposition budgétaire