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cherché à secourir l’équipage du life-boat, le comité présenta une médaille d’argent à leur famille. D’autres fois ce sont de simples ouvriers qui reçoivent de pareils honneurs. J’étais à Campbelton, une petite ville du Kantyre, sur la côte sud de l’Ecosse, quand un meeting public s’assembla pour présenter une médaille décernée par l’institution nationale des life-boats à James M’ Millau, un pauvre artisan âgé de plus de soixante-dix ans, qui avait sauvé dans sa vie plusieurs naufragés. Il n’y avait pas longtemps encore qu’il avait ramené à terre un marin de la Genova, vaisseau marchand qu’une tempête avait brisé le 13 octobre 1862. Le meeting fut enthousiaste, et pour donner une idée de l’intérêt qui s’attache dans tout le royaume-uni à de tels actes de courage, je citerai quelques-unes des paroles du président, M. Stewart. « James, dit-il, j’ai connu votre père ; il vivait sur la propriété de mon père et sur la mienne. Tout le monde le regardait comme un homme robuste et un homme brave. Il n’a jamais levé le bras dans sa propre cause ; mais plus d’une fois il l’a levé pour le compte des autres, et surtout pour la défense du faible. Je dirai avec le poète : « Si son bras était fort pour frapper, il était fort aussi pour secourir. » Vous, James, son fils, vous avez hérité de lui cette disposition à risquer votre vie pour conserver celle des autres. Ce n’est point la première fois que vous vous êtes montré digne de votre père. Vous avez vu cet homme s’accrocher faiblement à un rocher, vous l’avez vu aussi lâcher prise. C’en était fait de lui, si une main héroïque ne fut venue à son secours ; il eût été infailliblement emporté par le retour des vagues. Tandis que d’autres regardaient, et parmi eux des jeunes gens, vous vous êtes élancé dans les flots en démence, et avec votre bras robuste et votre noble courage vous l’avez ramené à terre sain et sauf. Dieu vous a aidé : il protège les braves ! James, votre conscience vous a déjà dit quelle grande chose c’est que d’arracher la vie d’un frère aux dangers et aux horreurs de cette nuit, à la mort au milieu des vagues. Je n’en dirai point davantage. Prenez ce parchemin où l’institution nationale des life-boats a inscrit une appréciation de votre noble conduite. Un autre attachera la médaille sur votre poitrine. Longtemps après que vous serez couché dans la terre, vos fils verront cette médaille, elle leur rappellera ce que vous étiez, et elle les excitera, eux et leurs enfans, aux actes de compassion, de courage et de dévouement. »

Il est aisé de comprendre l’effet moral de pareilles séances sur la population des côtes. Les hommes ont fait un drapeau d’un haillon en y attachant l’idée de l’honneur : pourquoi la voile déchirée par la tempête ne deviendrait-elle point aussi un appel et un signal pour ceux qui aiment la gloire ?