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boats construits d’après les principes de la société. Dans les ports de mer et les villages de pécheurs, elle se propose d’introduire un nouveau système de bateaux qui résisteraient en tout temps aux assauts des vagues les plus brutales, rough. Il sera facile de saisir l’importance de cette réforme quand on saura que les côtes du royaume-uni possèdent environ 40,000 barques de pêche gouvernées par à peu près 160,000 hommes, toujours prêts à se dévouer pour tendre la main aux naufragés. La vie de tous est sacrée ; mais aux yeux des Anglais celle du marin et du pêcheur est deux fois précieuse, d’abord au point de vue de l’humanité, ensuite au point de vue de l’économie politique. Ces derniers rendent des services qui exigent un courage particulier, et la mort de chacun d’eux est une perte pour la société toute entière. Il faudrait des volumes pour raconter leurs exploits ; ne convient-il pas cependant de signaler quelques-uns des traits d’héroïsme qui ont, dans ces dernières années, donné aux tentatives de sauvetage une sorte d’intérêt national ?


III.

Le 5 septembre 1838, un bateau à vapeur, le Forfarshire, avait quitté Hull, se rendant à Dundee. Il emmenait plus de quarante passagers, et son équipage consistait en vingt-quatre hommes. La femme du capitaine l’accompagnait dans le voyage. Comme le vent soufflait avec grande force et que la mer était rude, les mouvemens du vaisseau déchirèrent en quelque sorte la chaudière, qui était déjà en mauvais état. L’eau, en s’échappant, éteignit le feu, et la machine s’arrêta. Il était alors neuf heures du soir, et le vaisseau se trouvait en face de Saint-Abb’s-Head, un grand promontoire qui se dresse sur les côtes de l’Ecosse. Le danger était de toucher la terre ; on hissa donc toutes les voiles, et le navire s’éloigna, sous le vent, de la ligne menaçante du littoral. Un épais brouillard s’étendait sur la mer, de telle sorte qu’il était impossible de dire où l’on était. Soudain on aperçut des brisans et les lumières du phare de Ferne. Il n’y avait plus moyen de douter que le péril ne fût imminent. On essaya de louvoyer entre les îles Ferne ; mais le vaisseau refusa d’obéir au gouvernail, et vers trois heures du matin il alla frapper avec une force épouvantable contre les récifs de l’île de Longstone. Au moment où eut lieu le choc, quelques-uns des passagers dormaient dans leur cabine. Réveillés en sursaut, ils se précipitèrent demi-nus sur le pont, qui présentait alors une scène de confusion et d’horreur. On mit la chaloupe à la mer, tout le monde voulut s’y précipiter ; mais telle était la violence de la mer que le canot se sépara du navire et que plusieurs des passagers pé-