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sont pleins de feu; comme eux, ils ont le pied assez sûr pour escalader sans broncher les passages les plus périlleux. C’est la race de montagne par excellence. L’élève de ces animaux, qui pourrait être très profitable, est malheureusement peu répandue et concentrée sur quelques points seulement.

Des tentatives sérieuses ont été faites pour introduire en Corse des procédés de culture moins rudimentaires : c’est la magnifique plaine qui s’étend au sud de Bastia, le long du rivage oriental, qui en a surtout été l’objet. Une compagnie financière puissante s’était constituée pour livrer à l’exploitation le vaste domaine du Migliacciaro, qui ne comprenait pas moins de 16,000 hectares de terres d’alluvion : elle dépensa en bâtimens, en bestiaux, en instrumens perfectionnés, des sommes considérables; mais dès les premières années elle dut renoncer à ses vastes projets. Je ne sais ce qu’elle est devenue depuis; mais lorsque je visitai cette ferme en 1851, elle était telle encore que M. Blanqui l’avait trouvée en 1838 : les bâtimens tombaient en ruine, les charrues traînaient inutiles dans les cours, les écuries ne renfermaient plus un cheval, les étables plus une vache. Sans parler des divers incidens judiciaires qui ont pu entraver cette entreprise, il est évident qu’elle ne pouvait réussir dans les conditions où elle était placée. La culture perfectionnée, ayant pour objet de demander à la terre la plus grande somme de produits possible, réclame une quantité considérable de travail et de capital; elle trouve donc son application dans les pays riches où le prix de la terre est relativement élevé, mais où la main-d’œuvre est abondante et le capital à bon marché. Or en Corse c’est précisément le contraire. De ces trois élémens de production, c’est la terre qui coûte le moins cher, et qui par conséquent a le moins besoin d’être ménagée. Il en résulte qu’une culture extensive doit, toutes choses égales d’ailleurs, donner plus de bénéfices que toute autre; mais jusqu’à l’époque où les connaissances économiques seront plus répandues, il faut s’attendre encore à bien des déceptions du même genre.

Deux autres obstacles s’opposaient en outre au succès de ces entreprises agricoles, c’était l’insalubrité de cette région et la vaine pâture. La déclivité de la plaine étant presque insensible, les eaux ne s’écoulent que difficilement. Les embouchures des rivières, obstruées par les terres enlevées de la montagne, forment le long du littoral des marais qui dégagent durant l’été des miasmes délétères, et qui promènent la fièvre et la mort sur toute la contrée. Il faut fuir devant le fléau et gagner au plus vite la montagne, car les constitutions même les plus robustes ne lui résistent pas. Le dessèchement des marais, dont on s’occupe avec sollicitude, ne suffira point à lui