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terie à cause d’une disposition fâcheuse à se fendre. En revanche, il est très recherché pour le chauffage; il brûle lentement, en donnant une flamme claire et en dégageant beaucoup de chaleur. Les chênes blancs, les hêtres, les sapins, et les autres essences que renferment encore les forêts de la Corse, ne diffèrent en rien de leurs congénères du continent. Le hêtre occupe de vastes surfaces; mais, bien qu’il se plie aux usages les plus divers, il ne sert jusqu’ici à alimenter aucune industrie.

Les forêts couvraient jadis la plus grande partie de l’île; elles descendaient des montagnes, tapissaient les vallées et déroulaient jusqu’aux rivages leur océan de verdure. Tous les anciens auteurs, tous les mémoires officiels depuis le XVIe siècle, parlent de la beauté de ces forêts et des inépuisables ressources qu’elles présentent; mais ils constatent en même temps, à mesure qu’on se rapproche de notre époque, les ravages dont elles deviennent l’objet. Ce sont d’abord les Génois, qui, pendant leur domination, abattent les arbres qu’ils trouvent à leur portée et détruisent les forêts de la plaine; ce sont ensuite les paysans, qui les défrichent autour de leurs villages; ce sont enfin les bergers, qui livrent à la dent de leurs troupeaux et aux incendies des massifs entiers, et qui maintenant encore continuent leur œuvre de dévastation. D’après tous les documens historiques, retrouvés dans les archives de Gênes par M. Béhic, aujourd’hui ministre de l’agriculture et du commerce, chargé en 1843 d’une enquête sur la situation forestière de la Corse, les grandes masses boisées de l’île ont toujours appartenu au domaine public; mais si l’état était propriétaire du fond, les habitans avaient la jouissance de la superficie. De tout temps ils avaient envoyé paître leurs troupeaux dans les forêts et y avaient puisé à volonté les bois nécessaires à la construction de leurs maisons; ils ne s’étaient jamais laissé imposer aucune restriction à cette jouissance sans frein, qui cependant n’était appuyée sur aucun titre authentique. Ils la confondaient si bien avec le droit de propriété, que bien souvent, surtout pendant la période insurrectionnelle, ils s’emparèrent des forêts, les défrichèrent, y plantèrent des châtaigniers, sans supposer que cela pût jamais donner lieu à la moindre contestation. Malgré de nombreux jugemens et arrêts, tous conformes aux prétentions de l’état, ils n’en continuèrent pas moins à revendiquer sans cesse le droit de parcours illimité et à crier à la spoliation chaque fois qu’on en voulait régler l’exercice. Cet usage, si pernicieux pour les forêts, l’est plus encore en Corse que partout ailleurs à raison des circonstances qui l’accompagnent. Le dommage ne s’y borne pas à celui que fait la dent du bétail, qui broute les jeunes arbres et détruit l’avenir; il est en outre bien aggravé par les abus que com-