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ment affectés à chacun d’eux, et qui étaient supprimés dès que le remboursement intégral avait eu lieu. Lorsque la dette eut atteint un chiffre élevé, on trouva plus commode et moins onéreux de la rendre perpétuelle, ainsi qu’on l’avait déjà fait en Hollande, et de n’avoir plus à payer que des intérêts. Des arrangemens furent pris avec les créanciers du trésor, les impôts créés pour garantir les sommes qu’ils avaient prêtées furent maintenus pour assurer le paiement des arrérages, et en 1716 il fut décidé que l’excédant du produit serait consacré à racheter le capital de la dette; mais cet excédant fut détourné de sa destination primitive pour être appliqué aux dépenses courantes ou au solde des intérêts de nouveaux emprunts, si bien qu’on finit par le classer chaque année au nombre des voies et moyens de l’exercice. Cela fut d’autant plus regrettable que, par suite des réductions successives de l’intérêt de la dette, en 1717 de 6 à 5 pour 100, en 1727 de 5 à 4, en 1750 de 4 à 3 1/2 et en 1755 de 3 1/2 à 3, le fonds d’amortissement, qui dans le principe était de 500,000 livres sterling, s’éleva au chiffre de 1 million, et qu’une pareille ressource affectée annuellement au rachat du capital aurait agi avec un puissant effet.

En 1786, lorsque toutes les dépenses occasionnées par la guerre d’Amérique eurent été liquidées, le capital de la dette fondée avait atteint le chiffre de 239 millions de livres sterling[1], et une situation aussi chargée excitait les craintes les plus vives. Les uns craignaient que, dans le cas d’une nouvelle guerre, il ne fût impossible de recourir au crédit, et que l’Angleterre se trouvât ainsi impuissante pour la soutenir; d’autres redoutaient une banqueroute prochaine, et tous s’accordaient pour demander, dans l’intérêt du bien-être et de la sécurité du pays, qu’on avisât le plus tôt possible au moyen de diminuer un pareil fardeau. Organe du sentiment général, la commission des comptes s’exprimait en ces termes : « La dette publique est devenue si considérable que les têtes les plus habiles et les cœurs les plus généreux doivent réunir leurs efforts pour chercher le mode le plus convenable et le plus efficace de la réduire ; on est en paix, le moment est donc favorable, et on doit en profiter. Le mal est tel qu’il n’admet ni ajournemens, ni palliatifs, ni expédiens. Il faut l’attaquer avec vigueur et fermeté : le crédit public, qu’il est essentiel de maintenir, l’honneur, qu’il est de notre devoir de conserver, et la justice due aux créanciers de l’état exigent que ce qui peut être fait soit fait what can be done should be done. »

Il y avait donc là tout à la fois un vœu public à satisfaire et un grand

  1. 5 milliards 975 millions.