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envers les joint-stocks, s’est mise en actions en se fusionnant avec le London et Westminster-Bank, et du jour au lendemain, sur la nouvelle de cette fusion, les actions de cette banque montaient de 25 livres. Tout cela se fait au moyen de la forme de société à responsabilité limitée, qui, n’étant pas contenue en Angleterre comme chez nous par une limite de capital, n’est autre que ce que l’on pourrait appeler en France l’anonymat libre. Ces sociétés, constituées sur des fonds sociaux considérables, n’appelant sur leurs actions que des versemens minimes, naissent chaque jour, avec des primes alléchantes, au milieu d’une effervescence de spéculation. Il est visible qu’en plus d’un cas la création de ces sociétés n’est de la part des fondateurs eux-mêmes qu’une spéculation pure, un coup de bourse, l’exploitation de la manie passagère du public. Certaines pratiques le démontrent. Sans motif actuel, avant d’avoir appelé des versemens importans sur leurs actions primitives, on a vu plusieurs de ces sociétés émettre de nouvelles séries de titres, comme pour profiter de l’occasion et recueillir une nouvelle moisson de primes. C’est une phase curieuse de la vie commerciale de l’Angleterre, où, comme dans toutes les choses anglaises, le bon se mêle au mauvais, le solide à l’aventureux, le jeu au travail, la folie à la grandeur, avec cette activité hâtive, cette fécondité pullulante, cette confusion touffue, qu’enfantent à la fois l’amour du gain et la liberté.

Il s’en faut que tout soit erroné et condamnable dans cet entraînement de la place de Londres. On en verra sortir avec le temps des combinaisons comparables à cette application du joint-stock à la banque, qui a aujourd’hui si complètement réussi. La puissante association des capitaux, se mettant à exploiter la grande industrie et le grand commerce, n’agira pas sans précédent dans un pays où déjà d’énormes agglomérations de capitaux sont employées et manœuvrées dans les affaires par de simples individus. Ces banques, qui s’instituent pour les antipodes, y ont été déjà précédées sans doute par des opérations commerciales sérieuses. Cependant toutes ces créations improvisées qui agitent et déplacent les capitaux ont déjà contribué au renchérissement du crédit. La spéculation ne peut en effet se soutenir que par le crédit, et, attirée par de gros et rapides bénéfices, elle ne regarde guère au prix dont elle paie le crédit. La manie anglaise a donc déjà pour résultat d’augmenter la gêne actuelle ; mais les nouvelles sociétés sont d’origine trop récente pour avoir eu le temps encore d’employer leurs capitaux et de montrer l’influence qu’elles devront exercer sur les affaires le jour où elles seront pleinement engagées dans leurs opérations. C’est ce jour-là qu’elles feront peut-être courir au crédit de sérieux périls ; elles apporteront dans le monde commercial et industriel des stimulans de concurrence singulièrement actifs. Pour acquérir des bénéfices, pour servir des dividendes, pour maintenir la prime de leurs actions, elles seront obligées de courir après les affaires, de se les disputer, de trouver des entreprises à commanditer et à lancer. Dans cette voie, on