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ne font que confirmer la règle, car les Italiens, appartenant à la même civilisation que nous, ont toutes les qualités nécessaires pour saisir les mêmes nuances et rire des mêmes contrastes. D’ailleurs il ne faut pas oublier que l’opéra-comique français est une imitation de l’opéra bouffe italien, et que Vinci, Pergolèse, Léo, Piccinni, ont suscité les Monsigny, les Grétry, les Dalayrac, etc. Meyerbeer est donc le premier compositeur allemand qui a voulu prouver que rien n’est impossible à la puissance du talent.

Rien ne lui est impossible en effet, le succès de l’Étoile du Nord l’a prouvé avec éclat, et si ce succès a fait le tour du monde, c’est qu’il se trouve dans cet opéra, comme dans Robert, les Huguenots et le Prophète, une qualité qui fait excuser bien des défauts : c’est la vie. Je ne puis mieux terminer l’hommage que je viens de rendre au grand musicien que la France pleure qu’en disant qu’on attend avec anxiété l’ouverture de son testament. Les avis et les craintes sont différens; mais, il faut l’espérer, Meyerbeer n’aura pas privé ses nombreux admirateurs d’une œuvre qu’il avait promise depuis quinze ans.


PAUL SCUDO.


ESSAIS ET NOTICES.

LES POEMES DU ROI CHARLES XV.[1]


Bernadette, ce soldat de fortune qui, après dix ans de service, était encore sous-officier, et qui devait porter tour à tour le bâton de maréchal de France et le sceptre de Gustave-Adolphe, a établi sur le trône antique des Wasa une dynastie actuellement aussi respectée que si elle descendait d’Odin. La cause des succès de cette dynastie nouvelle, c’est qu’elle n’a cessé de se montrer véritablement suédoise. Elle s’est approprié le caractère et les coutumes du pays. Elle en a étudié les origines, cultivé la littérature, partagé toutes les aspirations.

Au moment où Bernadette unissait son sort aux destinées de sa patrie adoptive, le génie national se réveillait en Suède comme en Allemagne. Tandis que des princes suédois avaient favorisé l’imitation servile des modes et de la littérature françaises, des princes français allaient donner l’essor à la rénovation de l’esprit Scandinave. A la fin du XVIIIe siècle, la Suède perdait tous les jours quelque chose de son originalité. Admirateur enthousiaste de Voltaire et de la cour de Versailles, Gustave III était convaincu que ses sujets ne pouvaient rien faire de mieux que de traduire le théâtre de la France et se déclarer les disciples des encyclopédistes. Des

  1. Légendes et Poèmes scandinaves, par le roi Charles XV, traduit du suédois par M. de Lagrèze, conseiller à la cour impériale de Pau. 1 vol. in-18; Dentu.