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à cet égard. Pitt fut le premier à reconnaître ce droit, ainsi que l’infraction commise; mais elle était expliquée et justifiée par les circonstances, et le parlement refusa de la censurer.

Au milieu de tant d’efforts faits par la nation anglaise pour poursuivre énergiquement la guerre, la Prusse, découragée par ses échecs, manifesta l’intention de se retirer de la lutte. Elle allégua que ses ressources ne lui permettaient pas d’y rester plus longtemps engagée, que d’ailleurs, séparée de la France par d’autres états, elle n’avait pas à en redouter le voisinage, et que les intérêts de l’Angleterre, de l’Autriche, de la Hollande, étant autrement menacés que les siens, c’était à ces puissances de soutenir tout le poids des hostilités. Cette résolution pouvait avoir les conséquences les plus graves en ouvrant aux Français la route des Pays-Bas et en privant la coalition du concours de troupes excellentes. Il fallait donc empêcher à tout prix qu’elle ne fût exécutée, et, l’Autriche n’étant pas en position de faire le moindre sacrifice pécuniaire, l’Angleterre et la Hollande durent s’engager à payer à la Prusse un subside moyennant lequel elle promit de mettre à leur disposition une armée de 60,000 hommes. Pour subvenir à cette charge, Pitt ayant demandé au parlement un crédit de 2,500,000 livres sterling. Fox signala tous les dangers de la voie où l’on allait entrer. La conduite du roi de Prusse lui paraissait devoir inspirer peu de confiance, et il était à craindre qu’une fois la somme promise payée, ce souverain ne vînt alléguer de nouveaux obstacles et faire de nouvelles demandes. D’un autre côté, la situation financière de l’Espagne, de l’Autriche, de la Russie était détestable, et sans aucun doute, encouragées par ce précédent, ces puissances viendraient à leur tour prétexter de leur épuisement et menacer de mettre bas les armes. Il faudrait donc pour les retenir leur donner aussi des subsides, et la lutte, se prolongeant, entraînait infailliblement la ruine de l’Angleterre. Quelque bien fondées que fussent ces observations, elles ne pouvaient prévaloir en présence des nécessités de la situation et du danger qu’il s’agissait de conjurer. Le crédit demandé fut accordé. Du reste, la Prusse n’en reçut qu’une partie, car, beaucoup plus préoccupée des événemens de la Pologne que de la guerre avec la France, elle laissa ses troupes immobiles et ne voulut prendre part à aucune des opérations de la campagne de 1794. Le gouvernement anglais se considéra dès lors comme délié vis-à-vis d’elle, et cessa de lui payer le subside convenu.

Cette campagne fut sur le continent tout à l’avantage de la France, dont les armées, sous les ordres de Pichegru, de Jourdan et de Moreau, après avoir remporté les victoires de Fleurus et de Ruremonde, reprirent la Belgique, rejetèrent les Autrichiens au-delà du