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leur retraite, vinrent au grand jour chercher des placemens fructueux, et ainsi s’explique l’abondance avec laquelle ils affluèrent à Londres en 1798. Du reste, dans le mois d’avril 1797, il s’en trouvait déjà assez de disponibles sur la place pour que Pitt, qui, quelques mois auparavant, n’avait pas osé contracter d’emprunt par la voie ordinaire, se décidât à y recourir pour se procurer une somme de 18 millions de livres sterling. C’était déjà beaucoup, après une crise aussi grave, que le crédit pût fournir de pareilles ressources. Aussi les conditions furent onéreuses pour le trésor. L’emprunt fut conclu en 3 pour 100 au taux de 6 3/4, et pour 14,500,000 livres sterling qu’il reçut, l’état dut augmenter de 28 millions de livres sterling le capital nominal de sa dette.


III. — CONFÉRENCES DE LILLE. — TAXE DE CONVOI. — RACHAT DU LAND TAX. — IMPOT SUR LE REVENU. — ÉVÉNEMENS ET SESSION DE 1797-1798.

L’hiver n’avait pas interrompu les hostilités. Tandis que sur mer l’amiral Jervis battait au cap Saint-Vincent une flotte espagnole qui se dirigeait vers Brest pour s’y réunir à une flotte française et tenter avec elle un débarquement sur les côtes d’Angleterre, le général Bonaparte, en Italie, imposait au pape le traité de Tolentino, battait les Autrichiens à Rivoli, s’emparait de Mantoue, remportait sur l’archiduc Charles la victoire du Tagliamento, et à quelques journées de marche de Vienne signait avec les plénipotentiaires de l’empereur les préliminaires de paix de Léoben, par lesquels ce dernier reconnaissait à la France la possession de ses conquêtes jusqu’au Rhin. L’Angleterre perdait ainsi son dernier allié sur le continent, et elle en recevait la nouvelle le lendemain même du jour où elle venait de garantir le second emprunt contracté pour son compte. En même temps éclatait sur les vaisseaux de la marine royale réunis dans les ports de Portsmouth, Plimouth et Sheerness une révolte que le gouvernement calma et réprima tout à la fois par des concessions opportunes et des mesures de rigueur. L’inquiétude occasionnée par cette coïncidence d’événemens fut grande en Angleterre, et le 3 pour 100 tombait à 48.

Pitt résolut alors de faire à la France de nouvelles ouvertures de paix. — Comme ministre anglais, comme chrétien, c’était son devoir, disait-il, d’employer tous ses efforts pour mettre un terme à une guerre aussi sanglante, et aucun sacrifice ne coûterait à son amour-propre. À ces motifs, dictés par un sentiment d’humanité, s’en joignaient d’autres, non moins déterminans, tirés de l’état des choses. La paix que venait de conclure l’Autriche avait jeté le découragement en Angleterre : désormais elle était isolée, et on ne pouvait augmenter les charges qui déjà la grevaient si lourdement sans y exciter un mécontentement universel. Pitt, vivement soutenu