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de beautés et de richesses naturelles que peu de pays offrent au même degré. Les parties basses du sol, protégées contre les vents froids par les hauteurs dominantes, enrichies des débris organiques amenés par l’écoulement des eaux, réchauffées par les rayons du soleil que concentre la coupe de la vallée, jouissent d’une température exceptionnelle et se couvrent d’une magnifique parure de végétation. La plaine semble s’exhausser par les forêts d’arbres fruitiers, de châtaigniers et de noyers qu’elle porte, par les champs de blé, de seigle et de maïs, qui luttent de hauteur avec la culture colossale de la vigne en hutins, selon l’antique méthode latine. Le regard se repose partout sur une nature luxuriante et un déploiement de forces productives qui ne sont pas toujours dirigées par l’art et l’industrie de l’homme. La superficie coupée au-dessous de notre ligne idéale contient les deux tiers du sol, environ 600,000 hectares, dont 200,000 sont occupés par la culture des céréales et 15,000 par celle des vignes basses.

Le vignoble est assis à la base des montagnes, aux expositions est, sud et sud-ouest, sur des cônes d’éboulement formés de débris calcaires, granitiques et schisteux, selon que la montagne qui les domine appartient à l’une ou à l’autre de ces formations géologiques. Le grand vignoble qui des portes de Chambéry s’étend sur le flanc du massif des Beauges jusqu’à Albertville, en traçant une zone de 40 kilomètres de longueur, repose entièrement sur le calcaire. D’Albertville au Petit-Saint-Bernard et d’Alton à Saint-Michel, la vigne, de plus en plus clair-semée à mesure qu’on avance vers la chaîne centrale des Alpes, grimpe généralement sur un sol composé de débris lamelleux de schistes micacés appartenant aux formations primitives. Le long du Rhône, en Chautagne, à Seyssel et à Frangy, elle vient sur des coteaux de calcaire asphaltique, et au-delà des hauteurs du Wuache, sur les flancs du Salève, du Môle et en Chablais, l’élément jurassique et la molasse dominent dans la composition du sol de la vigne. On ne la voit point en Savoie gagner les surfaces parfaitement planes, comme les grands vignobles de France qui envahissent la plaine; mais elle demeure serrée sur les plans inclinés qui l’appellent par leurs admirables expositions. Elle est loin d’avoir occupé toutes ces expositions favorables où l’on regrette qu’elle ne soit pas cultivée. Par des défrichemens de broussailles et par des plantations bien entendues, la Savoie pourrait doubler son vignoble et sa production viticole sans préjudice pour ses autres cultures.

Le système d’exploitation le plus répandu est le métayage. Le partage se fait ordinairement par moitié entre le vigneron et le propriétaire. On remarque pourtant la tendance de celui-ci à aug-