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et l’alignement sont la résultante du travail et de la liberté. La troisième, qu’on peut appeler la méthode française, avait fait son entrée en Savoie, plusieurs années avant l’annexion, par les coteaux les plus rapprochés de l’ancienne frontière. Elle consiste dans des lignes palissées avec fils de fer tendus, dans la taille tardive à longs bois, dirigés sur l’horizontale ou recourbés au-dessous, suivant le système du jardinier autrichien Hooilbrenck. Bien dirigé, ce mode de culture augmente la production, ménage la vigne, prévient par la taille tardive, qui arrête le développement de la sève et du bourgeon, le désastre de la gelée du printemps, si fréquente dans les climats de montagne, exposés aux brusques retours de température.

Deux cépages remarquables dominent dans les vignobles des deux départemens sous des noms divers : la mondeuse appelée, suivant les localités, savoney, savoyan et savoyen, et le persan qui paraît être un plant étranger, mais naturalisé depuis longtemps et fait au sol et au climat. La mondeuse est le cépage savoyard par excellence, rustique, vivace, résistant aux tailles les plus épuisantes, s’accommodant des fonds les plus négligés, et donnant des produits généreux, délicats et abondans, lorsqu’il reçoit les soins d’une culture améliorante. Il se plie facilement à toutes les formes de taille, tantôt s’élevant en ceps énormes de 12 mètres de hauteur, soutenu par des arbres morts comme dans les plantations gigantesques qui entourent la gracieuse station thermale d’Évian, ou bien par des arbres vifs, des érables, des cerisiers, avec lesquels on le marie comme dans les butins qui encombrent le paysage d’Aix et de Chambéry, tantôt rabattu sur lui-même en souches à tête d’osier, sans échalas ni appui d’aucune sorte, comme dans les vignes cultivées à l’ancienne méthode savoisienne, ou ramassé en haies buissonnantes et serrées comme celles que l’on voit à Yvoire en Chablais, — docile sous les régimes divers de la culture suisse, française et locale, et à tous donnant son fruit en proportion des soins, de l’intelligence et de l’activité du vigneron. Dans le nord, du côté de Saint-Julien, le rendement de la mondeuse égale celui des cépages suisses, et la qualité du vin est bien supérieure ; dans le midi, sur le coteau de l’Isère, où elle est dirigée en lignes palissées, la production atteint 60 hectolitres par hectare. L’autre cépage aurait été, dit-on, rapporté de Chypre par un prince de Savoie revenant de la croisade. On sait que les princes de la maison de Savoie, comme ceux de la maison des Bourbons de Naples, prennent toujours le titre de rois de Chypre et de Jérusalem. Ce cépage, si la tradition ne ment pas, serait bien certainement le revenu le plus net et le plus précieux retiré de ce royaume problématique sur lequel ni l’une ni l’autre des deux maisons n’ont jamais régné. Il ré-