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Perse. L’un de ces trois ports tartares est dans le lit du fleuve qui descend de Baldac (Bagdad). La plus grande partie des épices et des marchandises qui dans l’antiquité venaient en Occident passaient par Baldac, et de là, par Antioche et la Syrie, arrivaient à notre mer. Ces marchandises étaient alors en plus grande quantité et à meilleur marché qu’aujourd’hui. Le quatrième port est Aden[1], qui est presque dans une île sur les terres des Sarrasins. Les marchandises de l’Inde qui viennent là s’y chargent sur des chameaux, et en neuf jours de marche arrivent sur le Nil. Là, elles sont transportées sur des bateaux, et en quinze jours arrivent à Babylone[2]. Au mois d’octobre, quand la crue du Nil est à son plus haut point, les marchandises descendent à Alexandrie. La facilité du transport par eau amène à Alexandrie la plus grande partie des marchandises de l’Orient, et ce commerce enrichit le Soudan, qui perçoit de gros droits sur les épices, et enrichit aussi les marchands et le peuple de l’Égypte[3]. » — « Aujourd’hui le commerce des épices et des marchandises de l’Inde, continue Sanuto, ne se dirige plus vers les ports des Tartares et vers Bagdad, quoique de là ils pourraient encore, par diverses voies, arriver aux ports de la Méditerranée. Il faut donc interdire le commerce par l’Égypte à tous les peuples de l’Europe, afin que le commerce des Indes se dirige vers les ports de la Perse. Il y a plus, les marchands chrétiens pourront, par l’empire des Tartares, pénétrer dans les Indes, et plusieurs l’ont déjà fait, tandis que le Soudan d’Égypte ne permet à aucun chrétien de passer par ses terres pour aller naviguer vers les Indes. Quand le commerce trouve une route fermée, il s’inquiète et se démène jusqu’à ce qu’il en ait trouvé une autre pour amener la marchandise sur le marché où elle est demandée, car qui dit négocier dit nier l’oisiveté, negotiam, negans otium. Il faut remarquer aussi qu’autrefois et de nos jours encore c’est des ports de la Perse qu’on conduit vers la Méditerranée toutes les denrées de peu de poids et de grand prix, tandis que les denrées de plus de poids et de moindre valeur prennent en plus grande quantité par Aden et par Alexandrie que par l’autre route. Et même parmi les denrées plus lourdes, celles qui viennent par la Chaldée et par la Perse sont meilleures en leur genre, quand il y a diverses qualités, que celles qui viennent par Alexandrie. En voici la raison : les denrées qui viennent par la Perse supportent de grands frais de transports, mais paient peu de droits, tandis que par l’Égypte le transport des denrées est moins coûteux à cause de la commodité du fleuve ; mais elles paient de gros droits au Soudan.

  1. Dont les Anglais se sont emparés, il y a près de vingt ans, en disant qu’ils y voulaient faire un dépôt de charbon de terre.
  2. C’est-à-dire le Caire.
  3. Secreta fidelium Crucis, p. 22.