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à prix d’or. Le mûrier actuel, — car il y a toujours un mûrier, — est, dit-on, un rejeton de l’ancien, que Garrick a planté au jubilé de 1769. Le peu qui reste de la vieille maison atteste encore le vandalisme du même Gastrell, qui l’a fait complètement raser, après qu’elle avait déjà été démolie par un premier vandale, sir John Clopton.

En face de New Place, au coin de Chapel Lane, attenant à une vieille et curieuse chapelle, subsiste encore le bâtiment long et bas qui contenait la maison d’école du temps de Shakspeare, où le poète a fait ses études tant que son père a eu assez d’argent pour l’y maintenir, et n’a pas été obligé de l’associer à son commerce. Shakspeare, qui, à coup sûr, ne fut jamais un savant, mais qui n’était pas non plus si ignorant que le croyaient les critiques du dernier siècle, a pu y recevoir une éducation sérieuse, et y apprendre, sinon le grec, que Ben Jonson lui reprochait de ne pas savoir, du moins le latin, qui y était certainement enseigné, comme dans toutes les écoles libres de l’Angleterre. Le premier étage du bâtiment, parfaitement conservé, où l’on voit encore de vieilles poutres du XVIe siècle, appartenait aux écoliers, et n’a pas subi beaucoup de changemens. Les antiquaires prétendent même, mais sans aucune vraisemblance, y avoir retrouvé le pupitre de Shakspeare, qu’ils ont déposé dans la maison d’Henley-street, où ce vieux morceau de bois, qui n’a peut-être jamais reçu d’autres confidences que celles des fautes d’orthographe ou des solécismes de quelque obscur bourgeois de Stratford, fait l’admiration des badauds. Une autre relique, précieusement gardée au rez-de-chaussée de l’édifice, dans une salle qui sert maintenant d’arsenal aux nouveaux volontaires de l’Angleterre, au milieu des fusils et des baïonnettes rangés le long des murs, c’est une vaste table dont une planche vient, dit-on, de la taverne du Faucon, située dans le voisinage, et faisait partie d’un jeu de galet qui était le divertissement favori du poète et de ses camarades. Sous l’école, en avant de l’arsenal actuel, s’étendait le Guildhall, la salle où se réunissait le conseil de la commune, la plus grande de toute la ville, salle curieuse à plus d’un titre, car, au XVIe siècle, elle recevait fréquemment des troupes d’acteurs qui y donnaient des représentations, et c’est là sans doute que Shakspeare a eu le premier pressentiment de sa vocation dramatique en voyant jouer quelques mystères, quelques pièces de Sackville, de Richard Edwards ou de Greene, ses prédécesseurs, par les comédiens des comtes de Warwick, de Worcester et de Leicester, qui pendant sa jeunesse, et particulièrement pendant que son père était haut-bailli, ne passaient pas une année sans visiter Stratford. N’est-ce point là qu’au sortir d’une représentation, sentant déjà son génie, voyant son père emprisonné pour dettes, sa femme et ses enfans